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Exposition au CCA: À la découverte des architectes-citoyens (ENTREVUE)

Exposition au CCA: À la découverte des architectes-citoyens (ENTREVUE)
Courtoisie

Aussi court fût-il, le mouvement SAAL a marqué durablement l’histoire du Portugal. L’exposition Le processus du SAAL: Le logement au Portugal de 1974 à 1976 – présenté depuis le 12 mai au Centre Canadien d’architecture (CCA) – revient sur une période fascinante où les architectes et les citoyens se sont rassemblés dans l’utopie d’un avenir meilleur.

«Ce sont d’abord des circonstances historiques uniques qui ont permis à ce mouvement d’exister, a expliqué en entrevue le Portugais Delfim Sardo, commissaire de l’exposition. Comme dans un alignement des planètes, il y a eu un régime autoritaire, suivi d’une révolution poussée par un sentiment de liberté. Le tout combiné à une volonté d’expression collective.»

Mais qu’est-ce que le SAAL au juste? Sous l’appellation de Serviçio Ambulatório de Apoio Local (SAAL), on parle ici d’une initiative architecturale et politique d’envergure conçue afin d’adresser le manque de logement et les conditions de vie pauvres de nombreuses villes portugaises.

«Les gens se sont organisés en association de quartiers, a expliqué M. Sardo. Par décret du gouvernement, la création du SAAL a déployé des équipes d’architectes, nommées «brigades», partout au Portugal avec l’objectif de développer des solutions de logement avec la contribution des résidents locaux.»

Pour comprendre l’ambition d’un tel processus, un petit retour en arrière s’impose. Après le coup d’État de 1974 qui met fin au régime dictatorial salazariste, le Portugal est une nation très pauvre. Le gouvernement socialiste qui prend le pouvoir après la Révolution des Œillets décide de mettre en place le fameux SAAL, une expérience architecturale et politique visant à répondre aux pénuries extrêmes.

Les architectes ont d’ailleurs investi le plan social d’une manière exceptionnelle. «Beaucoup de ces architectes possédaient déjà une conscience sociale forte, a expliqué le commissaire. Certains d’entre eux s’étaient penchés tôt sur la manière de concilier architecture et organisations sociales. Quand le mouvement est apparu, il faut savoir que la jeune génération d’architectes n’avait pas de travail. Ils ont trouvé dans le SAAL l’occasion de concilier aspirations politiques et carrières professionnelles.»

«Derrière ce projet, c’est toute une nouvelle philosophie politique et architecturale qui se met en place, a raconté le commissaire. Il y avait l’idée de construire des logements sociaux qui ne sépare pas les communautés humaines. Un projet ambitieux et novateur qui a eu une réceptivité énorme de la part des habitants et des architectes.»

À chacun son SAAL

Le SAAL n’aura duré que deux ans avant sa dissolution en 1976. «Quand on voit la quantité d’interventions avec 170 projets dans tout le pays, c’est étonnant», a-t-il ajouté

L’exposition – présentée à l’origine au Musée Serralves d’art contemporain à Porto – revient sur cette période fascinante où tout semblait possible. Elle continue la réflexion sur l’extension des fonctions de l’architecte dans un rôle social et politique en présentant dix projets particuliers du SAAL.

Car au fil de la visite, on se rend vite compte qu’il n’est pas seulement question d’architecture ou de volonté citoyenne. À ce titre, la plupart des projets du SAAL sont souvent restés inachevés. L’époque était mouvementée. La fin du colonialisme, l’illettrisme, l’évolution des mœurs invitent surtout à comprendre les grands défis qu’a dû surmonter une société tout entière.

Divisée en zones régionales, l’expo invite également au voyage. Puisqu’il faut savoir qu’aucun des projets du SAAL n’est identique. Les particularités se révèlent. Les besoins au nord du pays ne sont pas les mêmes qu’au sud. À Porto, la plupart des projets se situent dans le centre historique de la cité envahie par les bidonvilles et l’insalubrité. Tandis qu’au sud, comme à Lisbonne, il est surtout question de favoriser les liens sociaux et la qualité de l’espace public.

Presque 40 ans après sa disparition, le SAAL a laissé quelques réalisations encore présentes dans le paysage urbain, mais dont l’avenir semble bien fragile. Lors de sa présentation au Portugal, l’exposition a vivement fait réagir. La population a redécouvert une partie de son histoire. «Un débat sur sa préservation est né au pays, s’est félicité M. Ardo. Même si les gens ont réalisé que l’héritage du SAAL est aujourd’hui en danger, l’exposition a créé une prise de conscience tout à fait salutaire.»

Le processus du SAAL: Le logement au Portugal de 1974 à 1976 – Centre Canadien d’architecture – www.cca.qc.ca – Du 12 mai au 4 octobre 2015.

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