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Entrée en scène du roi saoudien Salman: l'ouverture incertaine (VIDÉO)

Arabie saoudite: une ouverture incertaine avec le roi Salman

Puissance régionale en perte d'influence et d'alliés, l'Arabie saoudite est de plus en plus la cible de critiques en raison de son ultraconservatisme et du peu de cas qu'elle fait des droits de la personne. La mort du roi Abdallah et l'arrivée de son frère Salman au trône inaugurent-elles une nouvelle ère d'ouverture ou s'inscrivent-elles dans la continuité du royaume?

Un texte de Ahmed Kouaou

Peu d'analystes parieront sur une révolution imminente qui viendrait du nouveau roi, dont l'âge (79 ans) et la santé chancelante risquent d'abréger son passage au trône. Les regards sont davantage tournés vers celui qu'il a désigné comme héritier, Moqren.

À 69 ans, il fait figure de jeune dans une famille royale vieillissante. Il est décrit comme un « libéral », qui serait enclin à poursuivre les « réformes » économiques et sociales engagées par le roi Abdallah, duquel il était proche. Encore faut-il nuancer les réformes dans un pays où les femmes n'ont pas encore le droit de conduire seules leur voiture et où la décapitation et autres exactions sont monnaie courante. Le blogueur Raïf Badawi, dont la famille est réfugiée au Québec, a droit à 1000 coups de fouet pour avoir critiqué le régime.

La désignation de Moqren doit être avalisée par le Conseil d'allégeance, où pourraient se manifester les intrigues de palais et les luttes fratricides. C'est que Moqren est né d'une mère yéménite, alors que le roi a toujours été issu d'une mère saoudienne de souche.

Jusque-là, les rares voix appelant à réformer de l'intérieur de royaume ont été vite étouffées. Le prince Talal s'est attiré aussitôt les foudres de la famille royale après avoir proposé de transformer le pays en monarchie constitutionnelle. Son fils, Al-Walid Ibn Talal, qui a hérité de son sens de la provocation, n'est pas non plus en odeur de sainteté, lui qui a prôné l'émancipation progressive des femmes et pourfendu le salafisme (mouvement qui revendique le retour à l'islam originel).

Quant à la réforme de l'extérieur attendue dans la foulée du printemps arabe, l'Arabie saoudite a vite fait de tuer dans l'œuf la protestation chiite, en plus d'avoir envoyé, de peur de contagion, ses forces au Bahreïn pour opprimer la contestation naissante.

L'immobilisme dans lequel est engluée l'Arabie saoudite depuis de nombreuses décennies lui vaut de plus en plus l'hostilité et l'isolement. D'abord de la part de ses anciens alliés, comme les États-Unis, qui, affranchis de leur dépendance pétrolière vis-à-vis du royaume, s'en distancient clairement.

Washington, qui fait de la guerre contre le terrorisme son cheval de bataille depuis 2001, ne peut s'accommoder d'une lune de miel avec la capitale du wahhabisme, une version rigoriste de l'islam qui serait la source d'inspiration de bien de mouvements islamistes extrémistes dans le monde. À cela s'ajoutent les soupçons de plus en plus nombreux de financement par l'Arabie saoudite de groupes radicaux.

De plus, l'Arabie saoudite voit son influence diplomatique considérablement réduite depuis l'émergence sur la scène internationale du Qatar, dont le pragmatisme et le dynamisme économique l'ont vite propulsé au rang d'une puissance régionale.

Contenir l'influence iranienne

Ryad ne doit pas se soucier seulement des amitiés perdues, mais aussi et surtout de la nouvelle menace que représente pour lui Téhéran. Nouvel ennemi juré de l'Arabie saoudite, qui craint l'expansion du croissant chiite, l'Iran est devenu la nouvelle obsession de la famille royale dans une région où les enjeux géopolitiques évoluent rapidement, notamment avec la guerre en Syrie et l'apparition du groupe armé État islamique (EI).

Dans un télégramme diplomatique américain de 2009, révélé par Wikileaks, le prince Moqren, connu pour son hostilité déclarée à l'Iran, s'inquiétait que « le croissant chiite est en passe de devenir une pleine lune ».

Certains analystes prêtent d'ailleurs à l'Arabie saoudite, grande puissance pétrolière, la volonté d'affaiblir économiquement l'Iran, en provoquant la chute des cours du brut. Le royaume ne voit pas non plus d'un bon œil la conclusion d'un accord sur le nucléaire iranien, ce qui contribuerait à la normalisation des relations entre l'Occident et Téhéran.

En plus de lutter contre son isolement et de contenir l'expansion de ses rivaux, l'Arabie saoudite doit se protéger contre les assauts des groupes islamistes qui se sont retournés contre elle. Elle doit également préparer son économie au tarissement progressif de ses ressources pétrolières, en plus d'affronter les disparités criantes au sein de population pour prévenir d'éventuels soulèvements. Les réformes, les vraies, pourraient être renvoyées aux calendes grecques.

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