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Les deux gagnants du concours littéraire Appartenance(s) sont connus

Les deux gagnants du concours littéraire Appartenance(s) sont connus
IS/franckreporter

La juge pour ce concours d'écriture, l'auteure Marie Hélène Poitras, a tranché et a choisi les deux gagnants du concours d'écriture sur le thème du sentiment d'appartenance ou d'exclusion.

Il s'agit d'Anaïs Paquin, de Saint-Eustache, qui remporte le volet jeunesse du concours avec son texte L'étendue de ses pages, et de Marie-Andrée Arsenault, de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui remporte le volet pour adulte avec son texte Les enfants endormis, nous courions dans la nuit.

L'étendue de ses pages d'Anaïs Paquin

Selon la juge Marie Hélène Poitras, ce texte aborde un thème important pour les jeunes lecteurs et écrivains en herbe : l'intimidation et le rejet. « Plusieurs l'ont fait dans le contexte de ce défi. L'étendue de ses pages a deux qualités qui distinguent ce texte du lot. D'abord l'écriture est fluide, l'auteure a les idées claires et les communique au lecteur par des images bien choisies, parfois poétiques, sans jamais en mettre trop. Elle fait preuve, déjà, d'un sens de la concision et du dosage adéquat. De plus, malgré la gravité du sujet abordé, le récit ne verse pas dans le mélodrame; c'était le piège ici. »

« L'autre grand mérite du texte, c'est que l'auteure arrive à élever son personnage en ouvrant le drame intime de celui-ci à la découverte d'une appartenance vaste et universelle à la communauté des lecteurs. Une enfant affligée tout à coup s'échappe des difficultés de son quotidien par la grande porte de la littérature. La finale surprend, elle a beaucoup de panache. Le sujet du défi est exploité avec une belle originalité. Le texte est riche, on remarque de nouveaux éléments à chaque relecture. Mes félicitations. »

— Marie Hélène Poitras

Extrait de L'étendue de ses pages

«Je la regarde : ses cheveux aux corps fous, s'entortillant comme des tiges de vigne, atterrissant en tas de poils informes sur ses épaules. Ses genoux qu'elle tient au niveau des yeux, son dos quelque peu penché, appuyé sur un mur d'école, blanc sel, la couleur d'une geôle du savoir. Son teint clair, mais ses joues comme poudrées de rouge, ses yeux aux veines turgescentes. J'observe, comme le reflet d'une peine, une larme qui perle et s'égare au bout d'un cil - la dernière d'une importante lignée.

La crise a été insoutenable. Je le sais, j'y étais. Cette enfant, le cœur pulsant encore comme une horloge déréglée, des bousculades, de l'ignorance de ses camarades, cette enfant sur laquelle s'élève pourtant la courbe d'un sourire, elle vit dans le tréfonds de ma pensée. Nous partageons l'identité, seul le temps nous sépare.

J'aime la contempler, du haut de ma mémoire, me rappeler ce curieux courant de mon existence où ma solitude a semblé se scinder en deux; en ce gouffre, réservoir de soufre et de lamentations que je connaissais depuis toujours, dans lequel se jetait tout, du regard méprisant jusqu'aux coups échangés pour rien, et en quelque chose d'autre, comme un émoi, une profusion d'images, la porte de l'intérieur de soi. Le noyau d'une conscience autre.

Car cette enfant n'est pas seule. Cela lui apparaît graduellement, tandis que les voix, l'activité ambiante s'estompent, que même son cœur au creux de ses oreilles cesse de résonner, que sa respiration se détend comme un accordéon distendu, que seul le poids du corps contre ses cuisses semble grossir, que seul le bout de ses doigts, découvrant l'écorce derrière le papier en tournant les pages, semble gagner en sensibilité. Cela lui apparaît comme une mélodie portée par la brise, une révélation douce, un miracle sans ombrage, l'objet, ouvert entre ses mains, la regarde comme elle le regarde. Le livre la connaît, comme elle le connaîtra lorsqu'elle aura parcouru l'étendue de ses mots.

Il l'accueille, à la manière de bras infinis, tendus pour embraser son âme. Il devient plus, plus qu'une suite finie de mots, de phrases posées là pour distraire avec leurs histoires, plus qu'une couverture suivie de pages, plus que matériel, un concept aussi grand que l'amour ou la mort, il devient le monde.

Un monde qui défile au rythme des pages tournées, un monde multiple qui existe à la fois au passé et au futur, qui existe au présent en plusieurs exemplaires, en parallèle des lecteurs qui le lisent au même instant.

Voilà ce que découvre l'enfant, voilà ce que je redécouvre à chaque fois que mes yeux s'égarent dans le creux d'un livre, ou que mes doigts parcourent les touches d'un clavier, portés à leur tour par le pouvoir des mots.

Une appartenance plus grande que moi-même, une liaison des inconscients, de l'auteur, du mien, de tous ceux des autres qui ont lu, qui lisent, qui liront.

Mon cœur est littérature. Il sublime le temps, transcende la mort.»

Félicitations à Anaïs Paquin, qui recevra 1000 $, offerts par le Conseil des arts du Canada.

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