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L'Allemagne à l'épreuve des livraisons d'armes à l'Irak

L'Allemagne à l'épreuve des livraisons d'armes à l'Irak

Pendant que Washington, Londres ou Paris procédaient à des frappes ou à des largages d'aide humanitaire, voire d'armes, au nord de l'Irak, le sujet ravivait à Berlin le houleux débat sur le rôle international de l'Allemagne.

Sans alignement partisan, les responsables politiques ont multiplié les déclarations contradictoires sur les livraisons d'armes, auxquelles près des trois quarts des Allemands sont opposés, et qui étaient au centre d'une réunion de l'Union européenne vendredi à Bruxelles.

La chancelière Angela Merkel elle-même est passée du "non", lundi, au "il y a toujours une marge de manoeuvre politique et légale, et nous allons, en cas de besoin, l'utiliser", dans une interview vendredi.

"L'Allemagne se dispute, la France agit", titrait jeudi le quotidien conservateur Die Welt, habituellement beaucoup plus sévère à l'égard du gouvernement socialiste français.

"Nous laissons les autres faire le sale boulot en Irak" a tempêté dans Bild jeudi l'ancien ministre de la Défense Karl-Theodor zu Guttenberg, démissionnaire début 2011 pour cause de plagiat. Le message de l'Allemagne, selon lui: "laissez-vous tranquillement tirer dessus, vous avez nos casques, nos gilets pare-balles, et si vous êtes blessés, même notre matériel médical".

Vendredi matin, les quatre premiers Transall allemands ont décollé à destination d'Erbil, au Kurdistan irakien, avec du matériel médical, des couvertures et de la nourriture.

C'est la ministre de la Défense Ursula von der Leyen, une très proche de Mme Merkel, qui a semblé mardi briser un tabou en expliquant que "s'il s'agissait de prévenir un génocide", il faudrait rouvrir la discussion sur la livraison d'armes.

Depuis 14 ans, les gouvernements allemands s'en tiennent aux décisions de la coalition sociaux-démocrates/verts de l'époque, interdisant la livraison ou la vente d'armes dans des zones de conflit notamment en raison du poids de l'Histoire. Et Berlin n'a pas participé à la coalition internationale de la guerre d'Irak.

Le tabloïd Bild, qui habituellement caresse dans le sens du poil une opinion publique résolument hostile à toute participation allemande à un conflit, soutenait la ministre: "l'Allemagne, pays de l'hésitation et des discours de la chancelière, comprend finalement" qu'il faut agir. Les Kurdes "ont besoin d'armes!".

Pour Mme von der Leyen, il ne s'agissait finalement que de matériel "non létal", comme des détecteurs de mines ou des engins de transport. Mais vendredi, toujours dans Bild, elle répétait: "si un génocide ne peut être évité qu'avec des armes allemandes, nous devons aider".

Les lignes ne sont pas plus nettes chez les sociaux-démocrates (SPD), qui gouvernent avec les conservateurs de Mme Merkel. En milieu de semaine, le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier se livrait à une exégèse des textes sur les livraisons d'armes qui prévoient des exceptions "en cas de danger pour la sécurité nationale".

Le SPD est pourtant celui qui a imposé dans l'accord de coalition un respect plus draconien des lois sur les livraisons d'armes aux régions instables.

Même l'extrême-gauche, qui réclame l'arrêt total des exportations d'armes allemandes, est apparue divisée. Le chef historique de Die Linke Gregor Gysi a d'abord prôné une aide militaire aux Kurdes, puis battu en retraite après avoir déclenché les foudres des co-présidents du parti.

Pour Henning Riecke, de la Société allemande de politique étrangère (DGAP), un cercle de réflexion berlinois, le débat est "sain (...), d'autant plus qu'il se déroule devant l'opinion publique".

"Il n'y a pas de changement de paradigme, c'est bien d'exceptions (aux lois sur les livraisons d'armes) dont il est question. La position traditionnelle allemande de retenue ne change pas", analyse-t-il.

Anna Hankings-Evans, spécialisée en droit international à la Freie Universität de Berlin, estime quant à elle que le débat marque "une étape dans la politique étrangère allemande", d'autant qu'il traverse tous les partis.

"Il n'y a plus d'opposition complète" de la classe politique allemande, constate-t-elle.

Ursula von der Leyen a in fine avancé vendredi un argument qui selon elle ôte au débat son "caractère d'urgence": l'Irak a des systèmes d'armements soviétiques, qui ne seraient pas germano-compatibles.

fjb/cfe/ros

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