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L'ultramarathon de Berlin, périple sportif sur les vestiges du Mur

L'ultramarathon de Berlin, périple sportif sur les vestiges du Mur

Plus de 300 coureurs venus du monde entier s'élanceront samedi matin sur l'ancien tracé du Mur de Berlin, pour un ultramarathon de 160 kilomètres entre exploit sportif et pélerinage historique, 25 ans après la chute de l'enceinte.

"Je suis sidérée de voir la taille et la longueur du mur, et les endroits où il passait", confie la doyenne de cette troisième édition, l'Allemande Sigrid Eichner, qui a bouclé à 73 ans plus de 1.800 courses égalant ou dépassant le marathon (42,195 km).

Pour cette Berlinoise grandie à l'Est, la démesure de la course fait écho à celle du "mur de protection antifasciste" érigé en 1961 par l'ex-RDA pour mettre fin à l'exode de ses habitants à l'Ouest, devenu l'épicentre de la Guerre froide jusqu'à son ouverture, le 9 novembre 1989.

Il faut entre 16 et 30 heures à un athlète aguerri pour parcourir les "cent miles" qui encerclaient Berlin-Ouest. Soit l'équivalent de quatre marathons consécutifs entre immeubles, lacs et forêts, dans les pas des soldats qui patrouillaient sur ce chemin de ronde, chiens en laisse, dans l'ombre des miradors.

Revendiqué par l'organisation, le mariage "du sport et de l'histoire" donne à la course une tonalité singulière: comme lors des précédentes éditions, en 2011 et 2013, elle sera dédiée à l'une des "victimes du Mur", qui ont payé de leur vie leur tentative d'évasion.

Chaque coureur classé à l'arrivée recevra une médaille à l'effigie de Peter Fechter, dont la mort à 18 ans avait bouleversé le monde en 1962. Fauché par les balles au sommet du mur, il s'était vidé de son sang pendant une heure avant que les militaires est-allemands n'évacuent son corps.

Partant du quartier de Prenzlauer Berg situé à l'Est, dont l'embourgeoisement incarne la métamorphose de Berlin après la réunification, les athlètes traverseront ensuite le "panorama Asisi". Cette gigantesque rotonde d'acier montre la vie quotidienne de part et d'autre de la "zone de la mort", parmi les immeubles délabrés.

"On peut tous contribuer à ce que ça ne se reproduise plus, au moins sur le sol allemand", insiste Sigrid Eichner. Cette légende de la longue distance pense "très souvent à la Corée du Nord et du Sud" lorsqu'elle court le long du mur, espérant que les deux pays "surmontent" leur division.

Mais les motivations sont aussi diverses que les 305 concurrents venus de 24 pays, reflet de l'engouement croissant pour l'ultra-endurance. Symbolisées par l'Ultra trail du Mont-Blanc ou par l'épuisante "Badwater" dans la Vallée de la mort en Californie, ces longues courses se sont mondialisées.

Emmené par la star japonaise Tsutomu Nagata, le contingent de coureurs étrangers a doublé depuis l'an dernier, avec une centaine d'athlètes venus d'Australie, d'Italie, d'Amérique du Nord, d'Uruguay, de Chine, de Turquie, de France ou d'Espagne.

L'âge des participants s'étale de 23 à 68 ans chez les hommes et de 21 à 73 ans chez les femmes, à l'image d'un sport où l'expérience prime. A 43 ans, l'Allemand Peter Flock défendra sa couronne acquise l'an dernier en moins de 16 heures (15 h 53).

Autant qu'un périple sur les cicatrices de Berlin, chaque course sera l'aboutissement de longs mois d'entraînement, nécessaires pour supporter la douleur, la lutte contre le sommeil et l'extrême lassitude qu'implique l'épreuve.

"On traverse des hauts et des bas. On court aussi avec la tête", rappelle Gaston Prüfer, 37 ans, qui a rencontré sa compagne Martina Schliep, 45 ans, sur l'édition précédente. Il l'avait soutenue tout au long du parcours, jour et nuit, avant de franchir la ligne d'arrivée à ses côtés.

Pour ce couple né de part et d'autre du Mur, foulée élastique et tenue fluo identique, "l'histoire est importante" mais leur avenir commun les rend plus volubiles. Et loin des heures sombres, ils voient dans la course berlinoise un "oasis" sportif, louant son relief clément, ses ravitaillements réguliers et la légère bruine attendue ce week-end.

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