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Les Russes, premières victimes de l'embargo décrété par Poutine sur les produits occidentaux ?

Les Russes, premières victimes de l'embargo décrété par Poutine ?
AFP

Vladimir Poutine a voulu montrer qu'il ne se laisserait pas faire et a ressorti jeudi 7 août la bonne vieille arme qu'est l'embargo.

Censée pénaliser le secteur agroalimentaire occidental, cette "interdiction totale" des produits provenant de l'Union Européenne, de la Norvège, de l'Australie, du Canada et des États-Unis pourrait cependant se retourner très rapidement contre la population russe.

Car si le risque pour le marché européen est d'être engorgé et de se retrouver avec 10% de ses exportations agricoles invendues, les Russes, eux, devront trouver un moyen de faire sans l'Union Européenne qui leur a vendu en 2013 plus de 40% de leurs importations agroalimentaires.

Vers l'autosuffisance alimentaire ?

Face à la population, les autorités russes ont présenté l'embargo comme une "occasion unique" de ne plus dépendre autant de l'Union Européenne et de ses autres partenaires. Pour ce faire, l'État a évoqué le versement d'aides qui permettront de favoriser la production locale.

"La substitution des importations par la production intérieure n'est rien d'autre qu'un conte de fées", estime cependant auprès de l'AFP l'économiste Igor Nikolaïev, directeur de l'Institut d'analyse stratégique FBK.

"Pour soutenir les agriculteurs, il faut de l'argent. Or, il n'y en a pas", note Nikolaïev. L'argent disponible a déjà été affecté à d'autres besoins et les banques d'État russes ne peuvent plus emprunter à long terme sur les marchés financiers occidentaux en raison des sanctions, rappelle-t-il.

Hausse des prix et pénuries

Malgré cela, Dmitri Medvedev a promis que le gouvernement s'efforcerait d'"empêcher la hausse des prix" qui se profile.

Les économistes estiment toutefois que ces interdictions d'importer auront quoi qu'il en soit un impact sur les catégories les plus défavorisées de la population russe, dont une grande partie des revenus va à l'achat de nourriture. "On pourrait voir une hausse des prix sur ces produits de 20-30%, en particulier sur les fruits et légumes", affirme Igor Nikolaïev.

Dans d'autres secteurs, la mesure — qui pourrait durer jusqu'à un an — finira même par causer des pénuries. Si elle est respectée, les Russes devront par exemple tirer un trait sur les fromages français ou italiens et le saumon norvégien.

Envolée de l'inflation

Les experts ont également averti que des mesures protectionnistes provoqueraient une hausse du taux d'inflation en Russie (qui était le mois dernier de 7,8% sur un an).

"La rhétorique protectionniste de la Russie gagne en puissance", avaient estimé jeudi 7 août dans une note les analystes de VTB Capital, ajoutant que les restrictions avaient jusqu'ici été la "principale cause de la hausse des prix des produits alimentaires en Russie".

Le ministre russe de l'Agriculture Nikolaï Fiodorov a reconnu que l'embargo créerait une hausse de l'inflation à court terme mais a expliqué qu'il ne voyait pas de danger à moyen ou à long terme.

La Russie compensera ses importations en s'adressant à d'autres fournisseurs, a-t-il poursuivi, citant pour exemple la viande brésilienne ou le fromage néo-zélandais. Mais le nombre de partenaires commerciaux qui restent ouverts à Moscou n'est plus très vaste.

Précédents très limités

L'interdiction totale des produits provenant de l'Union Européenne, de la Norvège, de l'Australie, du Canada et des États-Unis fait office de première par son ampleur, mais la Russie a déjà eu recours à la menace d'un embargo.

Le pays avait déjà interdit en 2013 l'importation de viande en provenance des États-Unis en avançant des arguments sanitaires alors que le Sénat américain avait adopté de sanctions visant des responsables russes

La Géorgie avait pour sa part souffert dès 2006 d’un embargo sur son vin, très populaire en Russie, qui s’est accentué après la guerre éclair qui a opposé les deux pays en 2008. Une interdiction d'exportation qui n’a été levé que l’année dernière.

Aucune de ces dispositions n'a cependant vraiment impacté l'économie russe. Dans le cas actuel, le gouvernement russe sait par contre que les risques sont plus importants et ne se montre pas intransigeant:

"J'espère sincèrement que le pragmatisme économique prévaudra sur les considérations politiques stupides chez nos partenaires, et qu'ils penseront à ne pas isoler ou faire peur à la Russie", a déclaré le Premier ministre russe Dmitri Medvedev à la télévision. L'embargo pourra être levé si "nos partenaires font preuve d'une approche constructive".

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