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Les chrétiens de Mossoul, leurrés par l'indulgence feinte des jihadistes

Les chrétiens de Mossoul, leurrés par l'indulgence feinte des jihadistes

Les chrétiens de la ville irakienne de Mossoul ont été induits en erreur par les jihadistes de l'Etat islamique, les nouveaux maîtres des lieux leur ayant accordé dans un premier temps une paix relative avant de les contraindre à fuir en les menaçant de mort.

Ce changement d'attitude des insurgés sunnites, qui ont pris le contrôle de la deuxième ville d'Irak le mois dernier, pourrait signifier que le groupe se sent maintenant suffisamment en confiance pour imposer ses règles extrémistes.

"Nous avons été leurrés, car au début ils ne nous ont pas menacés, mais une fois installés ils ont commencé à nous imposer leurs lois terroristes", explique le père Emmanuel Kelou, qui était à la tête de l'Eglise de Mossoul, une ville de 2 millions d'habitants, et qui s'occupe maintenant des chrétiens qui ont trouvé refuge à Qaraqosh, à environ 30 km de là.

Certains chrétiens étaient même revenus chez eux après la prise de contrôle de la ville lors d'une offensive fulgurante lancée par les insurgés le 9 juin, rassurés par une quasi absence d'attaques contre leurs co-religionnaires restés sur place.

Le 14 juillet, deux religieuses et trois orphelins ont été libérés à Mossoul après avoir été enlevés deux semaines plus tôt, un geste laissant espérer des relations plus pacifiques entre chrétiens et islamistes.

Mais quelques jours plus tard, les chrétiens ont dû fuir la ville en masse après un ultimatum de ce groupe ultra-radical leur donnant jusqu'au 19 juillet pour quitter les lieux.

L'EI avait appelé "les chrétiens à se convertir à l'islam, ou à payer une taxe spéciale ou à défaut à quitter la ville (...) après quoi leurs maisons appartiendraient à l'Etat islamique", a expliqué Mgr Sako. Le texte de l'EI vu par l'AFP les menaçait de mort s'ils ne partaient pas.

Selon des observateurs, l'expulsion des chrétiens correspond à l'objectif proclamé par l'EI de créer un Etat islamique dans les territoires qu'il a conquis, mais le groupe a vraisemblablement préféré attendre de consolider ses positions avant de franchir de nouvelles étapes.

L'EI, qui applique une interprétation rigoriste des préceptes de l'islam, a conquis de larges pans de territoires dans le nord et dans l'ouest de l'Irak dans les jours qui ont suivi la chute de Mossoul.

"A mon sens, occuper une ville alors qu'une offensive est toujours en cours est une tâche complexe, et éliminer les chrétiens n'est pas forcément la chose la plus importante à faire en premier", estime Jessica Lewis, ancien officier du renseignement de l'armée américaine et actuelle directrice de recherche de l'Institut for the Study of war.

Selon les experts, l'attitude plus modérée à Mossoul de l'EI, connue pour ses exécutions de masse, crucifixions et vidéos et photos sanglantes publiées sur la Toile, est peut-être également une façon de ne pas s'aliéner les autres groupes d'insurgés sunnites.

Des membres de l'ex-parti Baas de Saddam Hussein, dont faisait alors partie le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz, de confession chrétienne, combattent les forces gouvernementales aux côtés de l'EI.

"Compte tenu du comportement du groupe ailleurs, et dans le passé, le choix laissé aux chrétiens de prendre la fuite pourrait être considéré comme une légère modération" de leur attitude, estime Charles Lister, un expert du Brookings Doha Center.

"L'EI sera toujours une organisation austère et absolutiste, mais en fonction des dynamiques au sein du soulèvement sunnite en Irak, cela fait sens qu'il accepte des compromis à la marge pour éviter de créer des tensions sociales inutiles", a-t-il ajouté.

Mais reste à savoir jusqu'où ira l'EI dans l'application de son interprétation rigoriste de l'islam maintenant qu'il commence à se sentir plus fort dans les zones qu'il contrôle.

"Il sera intéressant de voir jusqu'où ils vont pouvoir aller dans leur contrôle de la société sans provoquer une réaction violente de la part de la population locale et d'autres groupes d'insurgés", souligne Fanar Haddad, chercheur à l'Institut pour le Moyen-Orient de l'université de Singapour.

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