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Espagne: les architectes catalans de RCR sur "leur propre chemin"

Espagne: les architectes catalans de RCR sur "leur propre chemin"

Il y a 25 ans, trois jeunes architectes espagnols accolaient les premières lettres de leurs prénoms pour créer l'agence RCR: Rafael, Carme et Ramon ont bâti depuis une oeuvre internationalement reconnue sans jamais quitter "leur univers", la ville catalane d'Olot.

"Vous n'avez pas le bon badge pour le déjeuner avec le président" français François Hollande: le 30 mai, le trio s'est d'abord fait refouler par les agents chargés de la sécurité, à l'inauguration du musée Soulages, à Rodez (Sud-Ouest). Les Catalans n'ont pas bronché, discrets, jusqu'à ce que les policiers réalisent qu'ils avaient devant eux les architectes du bâtiment, salué le jour même par le journal Le Monde comme "un lieu d'exception" à "la sobriété impressionnante".

Leur simplicité, on l'a retrouvée dans le village français de Négrepelisse (Sud-Ouest) où ils inauguraient à la mi-juin un centre d'art sur les ruines d'un château. Carme Pigem et Ramon Vilalta jouaient avec leur fille de huit ans sous les auvents du nouveau bâtiment, avant d'expliquer au micro que l'architecture est affaire de "partage".

En temps de crise aiguë dans son pays, Ramon, 54 ans, croit en "la créativité partagée". "La société est en train de changer très rapidement. Et partager, c'est ce qu'il y a de mieux, dit-il à l'AFP. Les gens ont peur. Mais la seule voie à suivre, c'est celle du risque."

Dès leur sortie de l'école technique supérieure d'architecture de Vallès, près de Barcelone en 1987, ils s'associaient à un autre étudiant, Rafael Aranda, et s'installaient à Olot (30.000 habitants, province de Gérone), leur ville natale au coeur d'une Catalogne rurale connue pour son exceptionnelle forêt de hêtres, ses marais, ses volcans.

"On n'avait pas douté un instant. Olot, c'est notre petit univers", se souvient Ramon, à la courte barbe poivre et sel. "C'est à partir de notre ville que nous avons commencé notre propre chemin. Pas parce qu'on voulait prendre nos distances, plutôt pour conserver notre façon d'être, de sentir", complète Carme, 53 ans, robe claire et lunettes rondes dorées.

Les Catalans n'ont pas renié l'influence de l'école d'architecture de Barcelone qui marqua les Jeux olympiques de 1992. Ils citent aussi celle des sculpteurs Eduardo Chillida et Jorge Oteiza, des peintres Mark Rothko et Pierre Soulages, et de l'architecture traditionnelle du Japon "d'une beauté exquise". Mais leurs constructions ont la sobriété et les teintes de leur région, la Garrotxa, tel l'acier sombre omniprésent dans leurs constructions qui rappelle la pierre volcanique.

Quand la presse évoque "une veine écolo-japonaise", Carme confirme vouloir "faire ressentir la nature, l'air, le vide, l'essence des choses, alors que petit à petit, la vie des personnes se +dénaturalise+".

A peine lancé, RCR se fit connaître par "son projet fétiche: le phare horizontal de Punta Aldea (Canaries) qui ressemblait à une lampe d'Aladin posée sur une dune", se souvient le photographe parisien Marc Checinski, admirateur de "leur architecture qui ne s'impose pas aux lieux mais les transcende".

Puis RCR commença par concevoir des maisons, de petits équipements publics, autour d'Olot, "qui ont finalement eu une portée internationale", dit l'architecte Gilles Tregouët. Français de 36 ans, il les avait rejoints en 1982 "pour un stage" et fait aujourd'hui partie de la vingtaine de salariés qui suivent les projets de l'agence en France, en Belgique ou encore à Dubaï...

Honorés, invités à donner des cours aux Etats-Unis ou en Nouvelle-Zélande, les fondateurs préfèrent organiser chez eux, à Olot, leur atelier "architecture et paysage". "Des gens du monde entier viennent alors travailler dans nos bureaux", installés dans une ancienne fonderie d'art, se réjouit Ramon.

L'agence n'a encore jamais travaillé dans une autre région d'Espagne que la Catalogne. Et quand on lui demande si elle fait partie des Catalans indépendantistes, Carme se prononce "pour la séparation".

"C'est comme dans un mariage, dit-elle: l'un des deux (la Catalogne) se plaint et dit +moi je m'en vais+, l'autre (l'Espagne) n'en tient pas compte mais dit +ne pars pas, je t'aime beaucoup+. Alors, oui, cela nous plairait d'emprunter notre propre chemin".

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