Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

France: prison ferme pour insultes racistes envers une ministre, un jugement exceptionnel

France: prison ferme pour insultes racistes envers une ministre, un jugement exceptionnel

Par une décision exceptionnelle, la justice française a prononcé une peine de prison ferme pour des insultes racistes visant la ministre de la Justice Christiane Taubira, prise régulièrement pour cible par certains courants d'extrême droite en raison de sa couleur.

Les associations antiracistes ont salué mercredi comme un "coup de semonce" bienvenu la condamnation la veille d'Anne-Sophie Leclère, ex-candidate du Front national aux élections municipales, à neuf mois de prison ferme, cinq ans d'inégibilité et 50.000 euros d'amende, pour avoir comparé la ministre à un singe.

Le tribunal de Cayenne, en Guyane Française, a aussi condamné le Front national (extrême droite) à une amende de 30.000 euros.

L'affaire, qui avait fait grand bruit, remonte à l'automne 2013. Anne-Sophie Leclère, qui tentait de constituer une liste Front national dans la petite ville de Rethel (nord-est), avait publié sur sa page Facebook un photomontage montrant un petit singe avec la mention "à 18 mois" et à côté Mme Taubira portant la légende "maintenant".

Le 17 octobre 2013, dans un reportage diffusé sur la chaîne de télévision France 2, la candidate avait assumé le photomontage. Tout en niant être raciste, elle avait déclaré préférer voir Mme Taubira "dans un arbre après les branches que comme ça, au gouvernement".

Le FN, engagé dans une entreprise de dédiabolisation sous l'impulsion de sa présidente Marine Le Pen, avait aussitôt exclu sa candidate. Le parti d'extrême droite avait aussi dû se défaire d'autres candidats auteurs de divers dérapages racistes, homophobes ou pro-nazis.

Le mouvement guyanais Walwari, co-fondé par Mme Taubira, avait pris l'initiative de porter plainte après cette énième insulte visant la ministre, descendant d'esclaves et originaire de ce département français d'Amérique.

Depuis sa nomination par le président François Hollande comme Garde des Sceaux en mai 2012, Christiane Taubira est la cible préférée de l'opposition de droite pour sa politique pénale jugée laxiste. Elle avait aussi été vilipendée par les milieux conservateurs pour avoir porté à bout de bras la réforme légalisant en France le mariage homosexuel.

Des dérapages racistes ont eu lieu à plusieurs reprises, notamment le 25 octobre 2013, quand des enfants accompagnant leurs parents à une manifestation contre le mariage gay avaient brandi des bananes à son passage.

Le jugement du tribunal de Cayenne "vient rappeler que le racisme est profondément attentatoire au vivre-ensemble et que le laisser prospérer ou le tolérer dans la République ne saurait être admis", a réagi mercredi l'organisation SOS Racisme dans un communiqué. Il vient dire que "le racisme et l'antisémitisme sont des délits à part entière", a renchéri la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).

"Les magistrats jugent en droit, c'est-à-dire qu'ils ne jugent pas selon leur fantaisie, ils jugent selon le Code pénal. Ce verdict rappelle simplement ce qui est prévu par le Code pénal comme sanction sur de tels délits", a rappelé mercredi Christiane Taubira.

"En deux ans, vous ne m'avez jamais entendu commenter la moindre décision de justice. Pas une seule fois. Je ne ferai pas d'exception", a-t-elle aussi déclaré aux journalistes qui l'attendaient à la sortie du Conseil des ministres hebdomadaire.

Mme Leclère, qui va faire appel de sa condamnation, n'était pas présente à l'audience du tribunal. "On n'a trouvé aucun avocat pour nous représenter à Cayenne et je n'avais pas les moyens de me payer le billet d'avion", a-t-elle affirmé.

Selon son avocat parisien, Me Jacques Erb, deux autres procédures sont encore en cours à Paris pour la même affaire, l'une sur requête du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) et l'autre à l'initiative du Parquet.

Le FN, qui ne conteste pas le principe d'une condamnation de son ex-militante, va lui aussi faire appel pour ce qui le concerne d'un jugement "grotesquement disproportionné" et "politique" dans lequel il décèle "la main de Christiane Taubira".

bur-bpa/mat/nou/prh/cgu

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.