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Mondial-2014 - Brésil: réveil baby blues après le rêve d'une Coupe

Mondial-2014 - Brésil: réveil baby blues après le rêve d'une Coupe

Meurtri par l'humiliation historique de sa Seleçao mais fier d'avoir organisé un superbe Mondial, dans et hors des stades, le Brésil s'éveille lundi un peu groggy après un mois d'anesthésie sous opium football.

Les Brésiliens renouent avec leur préoccupations quotidiennes: croissance économique en panne, inflation dans le rouge, campagne électorale pour les élections d'octobre, transports publics et hôpitaux défaillants, corruption, insécurité, bureaucratie.

"Le mantra ici c'est: +la vie continue+. Le bon football fait vibrer le pays mais c'est un jeu et la vie est bien plus que cela. Le Brésilien se tourne maintenant vers l'économie, l'inflation élevée", déclare à l'AFP André César, analyste politique du cabinet de consultants Prospectiva à Brasilia.

Le Mondial au "pays du futebol" a pris les Brésiliens à leur propre art du contre-pied.

Ils rêvaient d'un sixième titre mondial qui effacerait à jamais le traumatisme du "Maracanazo", la plaie ouverte de la défaite de 1950 face à l'Uruguay au stade Maracana de Rio. Ils ont assisté à un film d'horreur. Leur Seleçao quintuple championne du monde a subi la plus grande humiliation de son histoire face à l'Allemagne (1-7) en demi-finales. Une claque à peine atténuée par la défaite des rivaux historiques argentins en finale face à leurs bourreaux allemands (1-0 a.p).

Après sept ans de coûteux et laborieux préparatifs, ils craignaient que des failles d'organisation et des manifestations violentes ne transforment la compétition en "honte" nationale au yeux du monde.

Mais les aéroports, les transports et les stades ont finalement bien fonctionné, à grand coups de distributions de jours fériés et vols supplémentaires. Les revendications ont été mises en sourdine. Le Mondial brésilien a égalé le record de buts (171) marqué dans une coupe du monde lors de matches passionnants. Des supporteurs du monde entier ont communié joyeusement avec les Brésiliens pendant la grand-messe du football.

Le géant émergent d'Amérique latine, septième puissance économique mondiale, a finalement gagné son pari. Démontrer au monde qu'il était devenu plus que le "pays du futebol" et de la samba. Qu'il était capable d'organiser l'un des deux plus grands événements sportifs mondiaux, en attendant les JO-2016 à Rio.

"Les Brésiliens ont une capacité de résistance très forte. Certes ils sont tristes et déprimés. Mais leur tempérament festif les aidera à se récupérer", assure la psychologue Dalva Frigulha.

"Au fond, ils savaient que l'équipe n'était pas bonne. Quand je parle avec eux dans l'intimité, ils sont pratiquement unanimes à penser cela. Ils ont perdu, mais cela ne va pas générer une grande commotion. Le pire est passé et ils reviennent à leur vie quotidienne", ajoute-t-elle.

Candidate à un second mandat, la présidente de gauche Dilma Rousseff, très critiquée avant la Coupe, aurait bien sûr préféré un triomphe de la Seleçao.

Mais elle a beau jeu de marteler que, contrairement aux prédictions des "oiseaux de mauvais augure", le Brésil peut s'enorgueillir d'avoir organisé la "Coupe des coupes" qu'elle promettait.

Favorite de la présidentielle du 5 octobre, elle a progressé de quatre points pendant le Mondial, à 38% des intentions de vote, selon un sondage effectué avant la déroute de la Seleçao. Il est trop tôt pour dire si cette déroute inversera la tendance.

L'histoire récente montre en tout cas que la performance de la Seleçao au Mondial est sans effet sur le résultat de l'élection présidentielle, qui coïncident tous les quatre ans.

En 1998, la défaite du Brésil en finale face à la France (0-3) n'avait pas empêché Fernando Henrique Cardoso d'être réélu. A l'inverse, la victoire de la Seleçao au Mondial-2002 au Japon et en Corée du Sud a été suivie par l'élection de l'opposant Luiz Inacio Lula da Silva, du Parti des travailleurs (PT, gauche). En 2006, l'élimination prématurée du Brésil n'a pas empêché la réélection de Lula, par plus que la piètre performance de 2010 n'a entravé l'élection de sa dauphine Dilma Rousseff.

"Le plus grand risque pour Rousseff dans cette élection reste l'économie, pas la Coupe du monde", juge Joao Augusto de Castro Neves, directeur pour l'Amérique latine de Eurasia Group.

La PIB brésilien devrait enregistrer une hausse anémique de 1 à 1,3% en 2014 pour la quatrième année consécutive de croissance médiocre.

Et l'inflation, dopée par le Mondial, qui frappe le Brésilien au portefeuille, reste élevée malgré les hausses successives du taux directeur de la banque centrale. Elle s'est élevée à 6,52% sur les 12 derniers mois, franchissant le plafond de 6,5% fixé par le gouvernement lui-même.

"Le Brésilien est beaucoup plus énervé par le fait de découvrir des prix très élevés au supermarché que de perdre une Coupe du monde", explique M. César.

Et si les Brésiliens ne descendent plus massivement dans la rue comme lors de la fronde sociale historique de 2013, leurs revendications sont intactes. Ils exigent des transports en commun, des hôpitaux et des écoles aussi modernes et rutilantes que les stades du Mondial au "standard Fifa" financés à grands frais avec leurs impôts.

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