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France: la justice traque l'argent blanchi dans l'or blanc

France: la justice traque l'argent blanchi dans l'or blanc

Des biens à saisir à la demande de la Russie, plusieurs enquêtes ouvertes pour blanchiment d'argent, des dizaines de millions d'euros de transactions, aux circuits parfois opaques: dans la station de ski de Courchevel, dans les Alpes françaises, l'immobilier de luxe intéresse la justice.

Initialement conçue pour un ski populaire, Courchevel, dont la population de 2.000 habitants explose à 80.000 l'hiver, est désormais la station la plus chère d'Europe, selon TripAdvisor.

Et si la communauté russe ne représente que 7% de la clientèle des remontées mécaniques, selon la commune, ses extravagances font la réputation de la station, jusqu'à attirer l'attention des autorités russes.

Ce sont ainsi deux hôtels étoilés, le Crystal et le Pralong, estimés autour de 50 millions d'euros chacun, qui sont dans le collimateur de la justice russe, qui réclame leur saisie dans le cadre de poursuites contre Alexeï Kouznetsov, ancien ministre des Finances de la région de Moscou, et son ex-épouse Janna Bullock.

Tous deux sont soupçonnés d'avoir détourné plusieurs milliards de roubles, aux dépens notamment de Gazprombank, filiale de crédit du géant russe de l'énergie, et d'avoir blanchi cet argent en acquérant des biens à Londres, New York et Courchevel, via des montages offshore.

M. Kouznetsov, arrêté l'été dernier près de Saint-Tropez sur la Riviera française, fait l'objet d'une demande d'extradition de la Russie, qui sera examinée en septembre.

Interrogé par l'AFP, son avocat, Me Grégoire Rincourt, souligne que les deux hôtels de Courchevel "n'ont rien à voir avec lui et appartiennent à des sociétés constituées par son ex-épouse", qui a fait fortune dans l'immobilier.

Mais la justice russe n'est pas seule à s'intéresser aux investissements dans la station, de l'ordre de 300 millions d'euros par an d'après la mairie. Des investigations sont en cours, menés par la justice française, pour savoir d'où vient l'argent de certains acquéreurs.

"Les circuits atypiques empruntés pour acheter tel ou tel bien nourrissent le soupçon sur l'origine des fonds, mais toute la difficulté dans ce type de procédure, c'est de remonter à l'infraction initiale", souligne-t-on au parquet général de Chambéry, près de la station de ski.

Les statuts de certaines sociétés civiles immobilières s'égarent en effet dans la jungle des paradis fiscaux, comme dans le cas d'une société créée fin 2010 devant notaire à Nice (sud-est), à l'initiative d'une société luxembourgeoise contrôlée par un homme d'affaires corse, domicilié en Suisse, et d'une Slovaque habitant l'île de Saint-Martin, côté néerlandais.

Quelques mois plus tard, elle rachetait un chalet dans les sapins de la piste de Bellecote, moyennant 7,8 millions d'euros. Pour le démolir et en bâtir un nouveau, comme cela se fait beaucoup. Les fonds étaient avancés par une société chypriote, qui prêtait 9,4 millions d'euros à la société immobilière, celle-ci empruntant ensuite 14,8 millions à la Société Générale de Monaco pour "refinancer" l'opération. Dans le même temps, son capital passait aux mains de deux nouvelles sociétés au Grand-Duché...

Les palaces qui poussent à Courchevel sont à la hauteur des investissements, avec jacuzzi, piscine à cascade, spa, hammam, bar, cave à vins, voire salle de cinéma et discothèque, sans oublier le personnel qui va avec.

L'un des chalets les plus récents, L'Edelweiss, qui passe pour le plus grand jamais construit dans les Alpes, compte huit suites sur 3.000 m2 et sept niveaux. Son propriétaire est un financier britannique, Chris Levett. Selon ses dires à la presse d'outre-Manche, quelque 44 millions d'euros auraient fondu dans le projet.

Le milliardaire russe Mikhaïl Prokhorov, arrêté en 2007 dans un hôtel de Courchevel pour proxénétisme et blanchi par la suite, possède lui deux chalets, que l'on dit reliés par un tunnel. Tout comme son compatriote Ziad Manasir, qui déboursa 54 millions d'euros coup sur coup, au printemps 2010, pour les faire construire.

Selon un agent immobilier local, certains propriétaires en ont même trois: "un pour la famille, un pour les amis, un pour le business". La location peut rapporter gros en effet: 230.000 euros la semaine en haute saison pour La Bergerie, autre caprice de la communauté russe locale.

Sociétés de terrassement, architectes, artisans, commerçants, professionnels de l'immobilier et du tourisme: "tout le monde a intérêt à voir affluer l'argent", affirme une source judiciaire.

"On ne va pas se plaindre d'avoir des gens prêts à investir des sommes pareilles", commentait il y a quelques mois l'ancien maire, Gilbert Blanc-Tailleur. "Il vaut mieux qu'ils viennent dépenser leur fric chez nous plutôt que chez nos amis suisses et autrichiens".

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