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France: fronde inédite de députés socialistes contre Hollande

France: fronde inédite de députés socialistes contre Hollande

Le président français François Hollande est confronté à une fronde sans précédent de députés de son parti, déterminés à défendre, malgré la crise économique, un socialisme à la française.

"L'immense majorité des socialistes français n'a pas envie de devenir un parti libéral, pas plus qu'un parti social-libéral", explique à l'AFP le dirigeant de l'aile gauche du parti socialiste (PS), Emmanuel Maurel.

Or, dans la politique du gouvernement pour relancer la croissance, il y a, selon lui, un "déséquilibre au profit de l'offre: on oublie largement la demande". "C'est la raison pour laquelle un certain nombre de camarades posent des questions légitimes", juge-t-il.

Le gouvernement socialiste français a lancé cette année un plan d'économies de 50 milliards d'euros et fait de la baisse des cotisations des entreprises sa priorité, avec pour objectif qu'elles puissent redevenir compétitives et embaucher davantage.

Mais les députés "frondeurs" - une quarantaine sur 290 - ont lancé un tir de barrage inédit, déposant sans l'aval de leur parti des dizaines d'amendements aux textes budgétaires en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

"On est d'accord avec le fait qu'il faille plus de 20 milliards de soutien aux entreprises par des baisses de cotisations, mais on pense qu'il faut les cibler mieux et les conditionner davantage", indique à l'AFP le député PS Christian Paul, l'un des "frondeurs" les plus actifs.

Surtout, il faut "protéger le pouvoir d'achat, stimuler la demande et pas trop raboter l'investissement des collectivités locales parce qu'on va mettre au tapis des centaines, voire des milliers d'entreprises du bâtiment", estime-t-il.

Cette liberté de ton ne plaît guère au PS.

Le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, met en garde contre les députés de "droit divin" qui s'affranchissent de leur parti, tandis que le chef du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux, fustige "des postures dont on ne comprend pas le sens".

Le phénomène, qui fragilise encore davantage un président déjà au plus bas dans les sondages, est considéré par les experts comme propre au parti socialiste français.

"Il y a toujours eu dans le parti socialiste français, contrairement aux autres partis sociaux-démocrates d'Europe, un courant porteur d'une alternative radicale au système", explique le politologue Pascal Perrineau, du Centre de recherches politiques de Sciences-Po.

Pour lui, "certains des frondeurs ne sont que les héritiers de cette tradition qui a toujours vécu la réforme comme une trahison".

Il y aurait même, selon cet expert, une incompatibilité sociologique.

"Peu d'entre eux viennent du secteur privé, de l'économie réelle", fait-il valoir. "Ils restent dans un socialisme de professeur: le monde de l'entreprise leur est étranger".

Pour le frondeur Christian Paul, toutefois, c'est la politique libérale qui est discréditée et non le socialisme à la française.

"Nous sommes dans une économie européenne, mais depuis la crise financière de 2008 une certaine vision sociale-libérale n'a plus sa place: elle a échoué", dit-il. "Les visions de dérégulation qui existaient dans la gauche européenne il y a une dizaine d'années sont devenues totalement ringardes aujourd'hui".

Le bras de fer au sein du parti majoritaire inquiète Abel Badji, 49 ans, militant socialiste à Pantin, en région parisienne. "Vis-à-vis des Français, c'est catastrophique, parce qu'on n'a pas un même discours", déplore-t-il. "Pendant très longtemps, les socialistes ont souvent privilégié une politique de la demande", admet-il. "Aujourd'hui, il faut faire les deux"!

Incapable jusqu'à présent de convaincre les frondeurs de cesser leur obstruction parlementaire, le président Hollande, contrairement à son prédécesseur socialiste François Mitterrand (1981-1995), hésite à s'imposer en recourant à l'article 49.3 de la Constitution qui permet d'adopter les projets de loi sans vote.

"Il y a un problème d'autorité", note Pascal Perrineau. "Les défections auraient été moins importantes s'il y avait eu une autorité politique". Pire encore, "c'est le déficit d'autorité qui entretient la grogne".

Pour Gérard Grunberg, spécialiste du parti socialiste, la question est de savoir jusqu'où le gouvernement sera "prêt à céder au groupe parlementaire pour éviter la crise et la chute du gouvernement". "La situation est très tendue et le risque d'une division importante du parti est plus fort que jamais", prévient-il.

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