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De passage en Europe, 26 enfants-musiciens de Bolivie et une utopie

De passage en Europe, 26 enfants-musiciens de Bolivie et une utopie

Ils incarnent à eux seuls une utopie joyeuse: les 26 enfants et adolescents de l'orchestre de San José de Chiquitos, formés "toujours ensemble" dans leur ville de Bolivie, se produisent pour la première fois au complet en Europe, jouant du Bach comme du "baroque chiquitano".

Toulouse a découvert durant le week-end ces violonistes, altistes et violoncellistes, âgés de 8 à 18 ans. Le Festival "Passe ton Bach d'abord" a couvert d'applaudissements leur prestation, condensé de concentration et d'allégresse. Puis la troupe devait gagner l'Espagne pour des concerts à partir du 11 mai, à Badajoz, Llerena et Santa Cruz de la Sierra (Extrémadure).

"C'est un orchestre exceptionnel parce que les gosses ont 14-15 ans en moyenne et répètent tous les jours dans l'église de San José de Chiquitos (Bolivie). L'apprentissage est basé sur un système d'orchestre-école qui met directement les enfants dans le bain de la pratique, sans qu'on les surcharge de théories qu'ils ne comprennent pas", explique son directeur, Antoine Duhamel.

Hasard de la vie de musicien: ce Français de 69 ans, installé depuis neuf ans en Bolivie, est ainsi revenu quelques jours à Toulouse où il fut, entre 1970 et 1975, "premier trombone solo de l'orchestre du Capitole" avant d'aller vivre en Allemagne puis au Venezuela.

Apprendre la vie et la musique ensemble: ce principe appliqué à l'orchestre bolivien s'inspire d'"El Sistema" fondé en 1975 au Venezuela. Le pianiste Jose-Antonio Abreu y fut à l'origine d'un réseau national de centaines d'orchestres d'enfants et d'adolescents, imité, depuis, à travers le monde.

"Le secret, c'est le système vénézuélien: les petits qui n'ont pas encore un haut niveau répètent avec les bons et ça leur donne envie d'être meilleurs", témoigne doctement Ricardo Rojas, 14 ans.

Benjamin de l'Orquesta, Gonzalo, 8 ans, dit ainsi avoir commencé il y a deux ans "en écoutant ce que jouaient les autres". "Maintenant, après l'école, je répète avec l'orchestre de 17h à 20h, chaque jour. C'est très facile d'apprendre le violon", jure l'enfant.

"Quand un enfant se présente pour la première fois, on lui dit simplement +viens à 5 heures, il y a répétition+", dit M. Duhamel. Il commence directement, en imitant les autres. Le premier jour, rien; le deuxième jour, une note; le troisième jour, deux notes... L'orchestre se retrouve très vite à jouer des pièces importantes, l'Alléluia de Haendel puis la 5e symphonie de Beethoven 1er mouvement: ce n'est pas qu'il la joue bien mais il la joue et c'est ça l'important".

La ville de San José de Chiquitos (30.000 habitants) est située à 265 kilomètres à l'est de Santa Cruz. Un territoire où arrivèrent, à la fin du 17e siècle, des religieux de la Compagnie de Jésus débarqués avec les colons espagnols.

Ces jésuites fondèrent six missions - dont San José en 1697 - aujourd'hui inscrites au Patrimoine mondial. Selon l'Unesco, leurs projets étaient en grande partie inspiré par les "cités idéales" imaginées par les philosophes humanistes du 16e siècle et mêlaient étroitement catholicisme et traditions locales.

"Les Jésuites se servaient de la musique pour leur oeuvre d'évangélisation. Et quand ils furent expulsés d'Amérique du Sud par le roi d'Espagne en 1767, leurs enseignements ont perduré uniquement en Bolivie dans ces missions de la Chiquitania", dit Moira Carmichael, Bolivienne installée à Toulouse.

Le maire de San José, Germaín Caballero Vargas, parle de cette colonisation particulière comme d'"un processus d'intégration universel qui fut moins traumatisant qu'ailleurs". "Il n'y a pas eu de soumission, de torture, de vol des biens de la population, dit-il. Ces arts qui ont été cultivés et conservés dans le temps sont la meilleure preuve que l'homme natif de cette terre est fier de son passé et de son métissage".

Et deux siècles et demi après le départ des jésuites, des oeuvres du baroque "chiquitano" - dont les partitions ont été redécouvertes dans les églises il y a une trentaine d'années - sont toujours jouées par l'"Orquesta juvenil".

lbx/lv

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