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Chili : un premier pas vers la légalisation de l'avortement sous condition

Chili : un premier pas vers la légalisation de l'avortement sous condition

Moins de trois mois après son arrivée au pouvoir, la présidente chilienne Michelle Bachelet veut relancer le débat sur la légalisation de l'avortement, un sujet tabou dans un des rares pays au monde à interdire toute forme d'interruption de grossesse.

Il y a trois semaines, une adolescente de 17 ans, hospitalisée d'urgence dans la capitale en raison d'une hémorragie, a été dénoncée à la police par un médecin pour avortement illégal. Elle risque jusqu'à cinq ans de prison.

Plusieurs cas récents ont ému l'opinion publique au Chili comme celui de Belen, une fillette de 11 ans, enceinte après avoir été violée par son beau-père ou celui de Monica Perez, une journaliste de renom, obligée d'aller au bout de sa grossesse alors que le bébé n'était pas viable.

"Le Chili doit affronter cette réalité avec maturité dans une débat sérieux, informé, débouchant sur un projet de loi qui dépénalise l'interruption volontaire de grossesse en cas de risque mortel pour la mère, de viol ou de foetus non viable", a insisté récemment la présidente Bachelet, médecin pédiatre de formation qui a décidé de relancer un débat polémique dans un des pays les plus conservateurs d'Amérique latine où le divorce n'est autorisé que depuis 2004.

Le projet de loi "envisage ces trois types de situation exceptionnelles que la plupart des législations internationales ont déjà pris en compte", explique à l'AFP l'analyste Cristobal Bellolio.

Selon des statistiques du ministère de la Santé, quelque 150.000 avortements sont pratiqués tous les ans au Chili, la plupart clandestins. "Chaque mois, trois ou quatre femmes meurent en raison d'un avortement", a déploré Mme Bachelet.

La plupart des femmes voulant interrompre leur grossesse optent pour des comprimés vendus illégalement sur Internet et qui provoquent des contractions.

"L'Etat doit mettre un terme à ce marché noir et débattre de l'avortement thérapeutique, nous ne voulons plus de désinformation ou de femmes qui perdent la vie", a indiqué dans un communiqué Anita Roman, présidente d'un syndicat de sage-femmes.

Deux autres pays d'Amérique latine, le Nicaragua et le Salvador, interdisent également toute forme d'avortement.

Jusqu'en 1989, l'avortement thérapeutique était autorisé au Chili, avant d'être interdit pendant la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), peu avant qu'il ne quitte le pouvoir.

L'Eglise catholique chilienne et les partis de droite ont vivement critiqué la prise de position de la présidente socialiste.

L'archevêque de Santiago Ricardo Ezzati a ainsi affirmé que Michelle Bachelet préférait protéger la vie des animaux - allusion à un projet de loi de protection des animaux de compagnies - que la vie humaine, une opinion partagée par l'ex-président de centre-droit Sebastian Piñera sur Twitter : "Il semble que l'on prête davantage d'intérêt au bien-être des animaux de compagnie qu'à la vie et la dignité des enfants à naître", a commenté le prédécesseur de la présidente socialiste.

Les discussions sur l'avortement entreront dans le vif du sujet dans quelques mois avec l'envoi au Parlement d'un texte prélude à "un débat national".

"La société chilienne a évolué en termes de valeurs. Elle est plus éduquée, mieux informée et très soucieuse de sa liberté individuelle", estime pour sa part Cristobal Bellolio.

Lors de son premier mandat (2006-2010) Michelle Bachelet avait bataillé dur pour faciliter l'accès à la "pilule du lendemain", qui lui avait valu d'être dénoncée devant le Tribunal constitutionnel et qui reste encore difficile à obtenir dans ce pays de 17 millions d'habitants.

Quelque 2.500 personnes ont manifesté cette semaine devant le palais présidentiel de la Moneda à Santiago contre le projet de dépénalisation de l'avortement thérapeutique, avec la participation de plusieurs parlementaires de droite.

"Nous invitons les gens à manifester, à nous soutenir et dire que nous ne sommes pas d'accord sur ce projet de loi. Nous croyons qu'il y a de meilleures solutions, plus humaines pour les femmes", a notamment déclaré un des responsables de la manifestation, Julio Isamit de la Fondation "Chile Siempre" (Le Chili toujours).

Parmi ces propositions des opposants à l'avortement figurent notamment la création d'un réseau d'adoption et d'un système de soutien psychologique et économique aux femmes enceintes.

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