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Au Liberia, les habitants exaspérés par une police corrompue

Au Liberia, les habitants exaspérés par une police corrompue

A l'ombre des palmiers bordant un marché de Monrovia, les vendeurs de rue attirent les clients en hurlant. Mais ils gardent toujours un oeil sur les policiers, qu'ils accusent de les racketter.

Assise dans sa bijouterie de Waterside Market, grand marché en bord de mer, Zoe Freman, 29 ans, a un sourire anxieux quand elle raconte comment des policiers confisquent régulièrement sa marchandise et lui extorquent de l'argent.

"Parfois, ils vous font payer 500 dollars libériens (4,2 euros) ou 10 dollars US (7,3 euros), une autre fois 20 dollars US (14,6 euros). Les montants varient selon les agents. Quand ils confisquent votre marchandise, le temps d'aller la récupérer au commissariat, ils ont presque tout volé", affirme-t-elle.

Sous une forte chaleur brassant un air mêlant des effluves de poisson fumé et de mangues mûres, les commerçants racontent leurs mésaventures avec la police à Monrovia, capitale d'un pays parmi les plus pauvres au monde.

Le Liberia a été dévasté par des guerres civiles de 1989 à 2003: ces 14 ans de conflit ont fait quelque 250.000 morts, poussé des milliers d'habitants à fuir et ruiné l'économie.

Plus de dix ans après, Monrovia reste privée d'un bon réseau électrique et d'adduction d'eau. Chômage et analphabétisme sont endémiques.

Abel Dayougar, 26 ans, dit s'être reconverti en vendeur de fripes, après que des vols à main armée l'ont conduit en prison. Mais, à cause du "harcèlement" des policiers, il en vient à se demander s'il a fait le bon choix. Et il interpelle la présidente Ellen Johnson Sirleaf.

"Je suis venu dans ce marché pour gagner honnêtement ma vie. Je supplie la présidente de parler à sa police pour qu'elle nous laisse tranquille", lance-t-il.

Sur la rue Mechlin qui mène à Waterside Market, s'alignent des ateliers de couture, des magasins de vêtements indiens et de vaisselle libanaise. Là aussi, on se plaint en choeur des tracasseries policières.

Luis Gray, vendeur de 33 ans, affirme avoir été battu un jour après s'être opposé à un agent qui voulait confisquer sa marchandise.

Des ONG internationales alertent d'ailleurs sur ce fléau pour ce pays considéré comme l'un des plus corrompus au monde.

Cent vingt Libériens interrogés dans le rapport 2013 de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) affirmaient avoir été victimes de policiers racketteurs.

Dans un rapport publié la même année, Transparency International présentait la police comme l'institution la plus corrompue du pays et 77% des Libériens interrogés disaient avoir été rançonnés en 2012.

Mais pour Chris Massaquoi, le chef de la police libérienne, son institution n'est pas le seul corps touché par la corruption dans le pays. Et il met la population face à ses propres responsabilités.

"Comment on corrompt un agent de police? C'est par l'intermédiaire de citoyens, d'automobilistes... S'ils ne donnent pas d'argent, il n'y aura pas de corruption", fait-il valoir.

Plusieurs agents, coupables de corruption, ont été, selon lui, suspendus ou radiés. "C'est fini le temps où des policiers brutalisaient la population sans conséquence. Nous veillons à l'application de la loi pour que tout le monde soit protégé", assure-t-il.

Dans des commissariats généralement en ruine, les policiers disent manquer d'électricité, d'eau mais aussi de véhicules, d'ordinateurs, de moyens de communication, d'uniformes... et même de menottes. Le salaire mensuel d'un agent de police, de 150 dollars US, est jugé faible par rapport aux mille tracas de la vie quotidienne.

"Les agents veulent travailler mais la principale difficulté est l'absence de moyens", insiste un responsable de la police.

Le Liberia compte 4.864 policiers, pour une population de 4,3 millions d'habitants. L'Ecosse, avec une population comparable, en a quatre fois plus.

La sécurité est depuis 2003 assurée par la Mission des Nations unies au Liberia (Minul) dont les effectifs, ayant culminé à 15.000, vont baisser à 3.800 cet été, laissant cette tâche à la seule police nationale.

Amara Kamar, un autre cadre de la police, dit ainsi n'avoir que 45 éléments pour sa section alors qu'il lui en faut le double.

Pour combler ce manque, un recrutement est en cours. Le chef de la police espère que ses troupes compteront au total 8.000 agents d'ici 2017.

"C'est un pays déchiré par 14 ans de guerres civiles", résume-t-il. "Tout est prioritaire ici".

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