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Une liste bi-communautaires pour les européennes à Chypre, une première

Une liste bi-communautaires pour les européennes à Chypre, une première

Serrées dans un petit café, une vingtaine de personnes écoutent attentivement les candidats aux élections européennes de la première liste bi-communautaires de Chypre depuis la division de l'île après l'invasion turque il y a 40 ans.

"Même si nous ne vivons que dans la moitié d'une économie, nous avons les même problèmes, le même chômage. Nous partageons la même crise", explique Dinos Ayiomamitis, l'un des candidats de la liste de gauche DRASY-EYLEM, aux curieux venus l'écouter dans ce café de Kyrenia, du côté turc de Chypre.

C'est le premier meeting organisé de ce côté de l'île, divisée depuis 1974 et l'invasion du Nord par l'armée turque suite à un coup d'Etat d'ultranationalistes Chypriotes-grecs, soutenus par la junte alors au pouvoir à Athènes, et qui voulaient rattacher l'île à la Grèce.

La République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée en 1983, n'est reconnue que par Ankara. Mais 60.000 des citoyens Chypriotes-turcs qui y vivent pourront voter aux élection européennes, dans des bureaux de vote du sud de l'île.

Les discussions directes entre le Nord et le Sud ont repris en février dernier, sous l'égide des Nations unies et grâce à l'appui marqué de Washington, après avoir été suspendues en 2012.

Pour les candidats de DRASY-EYLEM, si Chypre est divisée depuis près de 40 ans, le combat politique est le même pour tous les Chypriotes. Les six candidats -4 Chypriote-grecs et 2 Chypriotes-turcs- font donc campagne des deux côtés de l'île et sont d'ailleurs des militants de longue date pour l'unification.

"Nous vivons dans une île divisée géographiquement, économiquement, historiquement.. Et le pire, c'est que nous vivons chacun de notre côté. Nous avons notre demi-société, notre demi-vérité, notre demi-histoire..." regrette M. Ayiomamitis.

"Nous connaissons notre douleur, vous connaissez la vôtre... Mais nous devons rencontrer notre autre moitié pour connaître toute la vérité, ressentir toute la douleur", poursuit-il.

Au bord de la faillite, la République de Chypre a obtenu en mars 2013 un prêt de 10 milliards d'euros auprès de la troïka (Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne), en échange de la liquidation de l'une de ses principales banques, de ponctions sur les dépôts d'une autre, de coupes budgétaires drastiques ainsi que des privatisations.

La partie Nord de l'île soumise à un embargo international vit sous perfusion des aides financières fournies par Ankara.

Les candidats de DRASY-EYLEM ne sont pas les derniers à accuser Bruxelles qui selon eux "mène une politique économique qui détruit l'Europe". Ils prônent notamment une nationalisation des banques et des ressources naturelles.

La Troïka est devenue la bête noire de bon nombre de candidats aux européennes, prompts à dénoncer qui le statut de "cobaye" des décisions européennes, qui le plan d'austérité dicté par les bailleurs de fond.

"C'est devenu un jeu" où tout le monde accuse Bruxelles, où "tout le monde pointe l'Europe du doigt", regrette Alexandra Attalides, cheffe du bureau du Parlement européen à Nicosie, qui craint une abstention record lors du scrutin.

Pourtant, Mme Attalides voit l'initiative bi-communautaire d'un bon oeil. Qu'ils soient si anti-Union européenne? "Ce n'est pas grave", balaye-t-elle. La création de la liste, "c'est un pas très encourageant", et le Parlement européen lui même à émis des réserves sur les politiques d'austérité prônées par la Commission, explique-t-elle.

Pour DRASY-EYLEM, la puissance du symbole de l'unité entre Chypriotes salué par Mme Attalides a pris le pas sur leur programme.

A Kyrenia, après une heure de débat, un Chypriote-turc prend la parole. "Ce que vous venez de dire, je le savais déjà, et je suis d'accord. Mais je veux un programme...". "Ce qu'il faut", répond un candidat, "c'est changer l'atmosphère de la société". Avant de renvoyer sur la page Facebook du mouvement.

cbo/sw

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