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En Thaïlande, les manifestants symboliquement au coeur du pouvoir

En Thaïlande, les manifestants symboliquement au coeur du pouvoir

Sous les ors d'un salon officiel, le meneur des manifestants annonce désormais le renversement du gouvernement depuis... le siège du gouvernement lui-même. Une étonnante libéralité des autorités qui lui confère symboliquement une légitimité.

Suthep Thaugsuban est en effet autorisé depuis quelques jours à donner des conférences de presse dans une salle du siège du gouvernement ayant vu passer des invités de marque comme Barack Obama.

Pendant ce temps, le gouvernement continue à être hébergé dans un complexe de l'armée, faute de pouvoir accéder en toute sécurité à son siège, inoccupé depuis des mois.

Sous un tableau du roi de Thaïlande, le meneur des manifestants a troqué la scène en plein air pour la table de réunion avec microphone intégré, son éternel sifflet bleu-blanc-rouge, symbole de la "révolution" en Thaïlande, autour du cou.

Il goûte visiblement avec un certain plaisir cette légitimité cédée, alors que sa victoire, annoncée sans relâche comme imminente, semble désormais devoir passer par les antichambres politiques plutôt que par les manifestations de rue.

Tous les espoirs de Suthep sont désormais tournés vers une nomination d'un Premier ministre "neutre" par le président du Sénat (connu pour son opposition au parti au pouvoir).

Dans ce contexte, se donner cette apparence de légitimité est crucial, une semaine après le limogeage de la Première ministre Yingluck Shinawatra.

Après avoir joué sur son image d'homme de terrain, baskets aux pieds pour défiler chaque jour, Suthep, vice-Premier ministre entre 2008 et 2010, montre qu'il est en mesure d'endosser le costume.

"Il est urgent et nécessaire pour le pays d'avoir un nouveau Premier ministre et un gouvernement pour diriger le pays", a-t-il déclaré devant les journalistes conviés mardi dans la salle qui lui a été cédée au siège du gouvernement.

De là, il n'a que quelques centaines de mètres à parcourir pour aller au Sénat, pour convaincre les sénateurs d'invoquer l'article 7 de la Constitution pour demander au roi d'accepter la nomination d'un gouvernement "neutre".

Mais les débats autour de la légalité de ce recours à l'article 7, ambigu, sont vifs.

Et le Premier ministre intérimaire, Niwattumrong Boonsongpaisan, assure qu'il a la loi avec lui, dans l'attente de la nomination d'un Premier ministre après les législatives du 20 juillet.

"Nous sommes légitimes, jusqu'à ce que nous ayons un nouveau gouvernement élu", n'a-t-il cessé de répéter lors d'une première rencontre avec les médias étrangers organisée lundi dans le complexe de l'armée où il travaille.

Pourquoi alors laisser Suthep utiliser un bâtiment du siège du gouvernement? "Nous ne voulons pas de violence, nous ne voulons pas de morts", a-t-il répondu pour expliquer cette concession, tout en ayant bien conscience du "symbole" exploité par Suthep.

Le président du Sénat, Surachai Liangboonlertchai, a promis de dévoiler sa "feuille de route" pour la résolution de la crise d'ici à vendredi.

"Surachai pourrait décider d'être celui qui ouvre la porte à une requête au palais royal invoquant l'article 7", estime Paul Chambers, spécialiste américain de la Thaïlande à l'université de Chiang Mai (nord).

Pendant que cette bataille autour de l'article 7 se mène derrière des portes closes, les partisans de Suthep restent dans la rue, devant le siège du gouvernement, où ils ont installé rouleaux de barbelés et sacs de sable.

"Ce bâtiment est un symbole qui devrait fonctionner dans les intérêts du pays et du peuple", assure Akanat Promphan, porte-parole de Suthep, dans une salle dallée de marbre au siège du gouvernement.

"Les gens dedans devraient travailler pour ceux qui sont dehors", insiste-t-il, reprenant les traditionnelles accusations de corruption contre Thaksin Shinawatra, Premier ministre chassé par un coup d'Etat en 2006.

Depuis, Thaksin reste aux manettes, malgré son exil, à travers les différents gouvernements qui se succèdent, dirigés par ses proches, comme sa soeur Yingluck ou le Premier ministre intérimaire actuel. Et son possible retour grâce à une amnistie politique a mis le feu aux poudres à l'automne 2013.

Le parti Puea Thai au pouvoir n'a pas l'intention de laisser passer une nomination d'un Premier ministre par le Sénat.

"Si Suthep veut s'asseoir et travailler ici (au siège du gouvernement), il faut qu'il remporte une élection", rappelle Prompong Nopparit, porte-parole du Puea Thai, faisant s'éloigner la perspective d'une issue à la crise, qui a fait au moins 25 morts en six mois.

apv-dth/ia

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