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Dans un café du nord de l'Irak, l'histoire du pays en photos

Dans un café du nord de l'Irak, l'histoire du pays en photos

Immobiles dans leurs cadres, Saddam Hussein, un rebelle kurde et le dernier roi de l'Irak observent les clients d'un café du Kurdistan irakien, dont les murs couverts de photographies racontent l'histoire du pays.

Les clients viennent boire du thé ou du masté, une boisson à base de yaourt servie avec des glaçons, et fumer des cigarettes dans ce petit café d'une allée du marché couvert d'Erbil, la capitale de la province autonome du Kurdistan irakien.

Mais une fois assis sur les banquettes recouvertes de tapis qui courent le long des murs, il leur est pratiquement impossible de s'adosser sans toucher un cadre photo, tant le café en est tapissé du sol au plafond vouté.

"Je n'aime pas l'argent, mais j'aime les photos", explique le propriétaire, un vieil homme vêtu de noir, petite moustache grise et foulard noir et blanc sur la tête, qui répond au surnom affectueux de "Mam" - "oncle", en kurde.

Mam Khalil est tombé amoureux de la photographie dans sa jeunesse. Collectionnant les clichés, il a transformé petit à petit son café en une véritable galerie qui retrace l'histoire de l'Irak à travers la monarchie, la dictature et, enfin, la fragile démocratie actuelle.

A l'instar du pays, la ville d'Erbil a connu de grands changements depuis que Mam Khalil a commencé sa carrière de collectionneur. Dans sa jeunesse, elle ne comptait qu'une citadelle, qui surplombe encore le marché, et quatre quartiers, se souvient-il.

Mais l'argent du pétrole l'ont transformée en une ville moderne, avec de meilleures infrastructures et des immeubles modernes étincelants.

Aujourd'hui, il y a "de meilleures maisons, de meilleures conditions de vie, de meilleures voitures, de meilleures rues, de meilleures femmes", résume Mam Khalil dans un grand sourire.

Mais son café donne un aperçu de l'Irak d'il y a quelques années, ou quelques décennies.

Ici, Fayçal II, dernier roi d'Irak renversé en 1958, inspecte la garde royale. Là, Mulla Mustafa Barzani, rebelle et leader kurde, père de l'actuel président de la province, pose à côté de son fusil. Un peu plus loin, moustachu et souriant, Saddam Hussein serre et brandit la main de Barzani, une image probablement immortalisée après un accord de paix conclu en 1970 entre Bagdad et les Kurdes.

Des personnages de l'histoire plus récente, voire de l'actualité, peuplent aussi les murs du café, comme ces hommes politiques kurdes et arabes photographiés à l'occasion d'un passage dans le café.

Certains sont identifiés par une légende, mais d'autres ne sont connues que de Mam Khalil, ou ont été oubliés dans les méandres de l'Histoire.

Mam Khalil lui-même apparaît sur certains clichés, notamment sur une photographie en couleurs prise il y a plus de soixante ans. Il avait alors les cheveux noirs, et une ébauche de sourire sur le visage.

Ayant dû abandonner l'école à la mort de son père, en 1948, il est embauché quelques années plus tard dans un café. Il commence à accrocher des photos aux murs, au grand dam de son patron qui "détestait ça" - mais le laisse faire à cause de son ardeur au travail.

En 1967, quand il rachète l'établissement, il peut enfin accrocher autant de photos qu'il y a de place sur les murs, couvrant presque chaque centimètre carré.

Si aucun de ses quatre enfants ne compte reprendre l'affaire, Mam Khalil n'exclut pas que quelqu'un d'autre veuille poursuivre la tradition après sa mort.

D'ailleurs, il continue à l'enrichir: quand il est fatigué de répondre aux questions, Mam Khalil réclame un tirage d'une des photos prises pendant l'entretien. Une nouvelle photo pour les murs du café.

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