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En Grèce, un attachement à l'Europe fragilisé par la crise

En Grèce, un attachement à l'Europe fragilisé par la crise

Lessivés par la crise, pris entre envie d'en finir avec l'austérité et peur de l'instabilité, les Grecs ne rejettent au fond pas l'Europe, mais veulent adresser un message fort à leur gouvernement et à Bruxelles.

D'autant que des élections locales sont organisées les 18 et 25 mai, jour d'élection des 21 eurodéputés grecs.

"Plus de 70% des Grecs veulent garder l'euro", rappelle le politologue Ilias Nikolakopoulos. Même si aujourd'hui, "la défiance envers les institutions européennes atteint 80% contre 60% ailleurs".

Deux ans après les législatives qui ont porté au pouvoir, en pleine tourmente, une coalition des deux grands partis, la droite Nouvelle Démocratie (ND) et le PASOK (socialistes), les Grecs ont le choix.

Rester fidèles au conservateur Antonis Samaras qui a poursuivi, avec un début de succès, la purge (PIB diminué d'un quart en six ans, chômage atteignant près à 26,5% dont 60% chez les jeunes) imposée par "la troïka" des créanciers du pays (UE, BCE, FMI).

Ou espérer en finir avec "le clientélisme et la corruption" réputés de ces partis, note M. Nikolakopoulos, et choisir Syriza d'Alexis Tsipras, 39 ans. Le candidat du Parti de la gauche européenne à la présidence de la Commission est pro-européen, mais sous conditions.

ND et Syriza sont à quasi-égalité dans les sondages, avec le plus souvent une légère avance pour Syriza (21,7% et 23% respectivement selon une enquête Kappa Research pour le journal "To Vima" paru dimanche) loin devant le nouveau venu To Potami ("la Rivière" - centriste, avec 9%), Aube dorée (néo-nazi, 7,6%), le communiste KKE (6,4%) et le PASOK, rebaptisé "l'Olivier" 5,5%).

Dimitris, 42 ans, chauffeur de taxi à Athènes, vote KKE pour "sortir d'une Europe qui n'a aucune idée de ce qui se passe ici, ce désastre, ces sans-abri mangeant dans les poubelles, ces enfants mourant de faim".

Les autres partis veulent rester dans une Europe longtemps désirée, et intégrée en 1981. Mais la déception domine.

Constantin, 35 ans, PDG d'une entreprise de transport maritime, vote ND. "Plutôt que de détester l'Europe, sourit-il, les Grecs ont développé une relation d'amour-haine avec l'Allemagne, comme avec un patron, qu'on déteste mais qui vous fait vivre".

Odysseus, 39 ans, cadre de banque dont le salaire a diminué de 40% "croyait vraiment à l'Europe". "Mais quand les choses ont mal tourné", et malgré les 240 milliards d'euros prêtés à la Grèce, "il n'y a pas eu de solidarité" morale, "que des critiques". Il votera To Potami, parti aux visées floues mais selon lui "rafraîchissant avec son approche de bon sens de ce qu'il faut faire", créé cet hiver par un journaliste-vedette de la chaîne privée Mega, Stavros Théodorakis.

L'Europe est "un instrument aux mains des forts au détriment des faibles", selon Sofia, 38 ans, électrice "de gauche" employée au ministère de l'Education. Eleni, 20 ans, étudiante en physique, apportera à Syriza son tout premier vote: "Le peuple doit se lever".

Giorgos, 39 ans, cadre dans une entreprise de défense, vote PASOK et espère seulement que l'Europe "accueillera à nouveau la Grèce à bras ouverts" après la crise.

Dénotant parmi les colosses inquiétants et les plantureuses supportrices d'Aube dorée, qui présente ses candidats dans un hôtel d'Athènes, Maria, institutrice de 31 ans, a des convictions en zigzag : elle votera KKE aux municipales, Syriza aux régionales, mais le 25 mai Aube dorée qui "parle des traditions, de l'histoire du pays". "Pour montrer que la Grèce ne se soumet pas".

Les Grecs, résume Panos Carvounis, représentant de la Commission européenne en Grèce, "pensent avoir fait leur devoir" pendant la crise, et veulent désormais "une Europe qui promeut la croissance et l'emploi, et plus de solidarité quand arrivent les problèmes". "Les gens aspirent à la stabilité, les sondages ne laissent pas entrevoir de vote-défouloir", note-t-il.

En avril, 52,4% des Grecs souhaitaient la stabilité, 39% le renversement du gouvernement, selon un sondage GPO.

Les Européennes "servent surtout à envoyer des messages nationaux, les Grecs n'échappent pas à la règle", observe M. Nikolakopoulos.

Sans doute préféré par Bruxelles, qui a participé à la présentation comptable avantageuse du récent redressement des comptes grecs, M. Samaras juge que Syriza "se nourrit de la crise". M. Tsipras accuse le Premier ministre d'être "le produit" à oublier de cette dernière.

Le 25 mai, l'écart entre ND et Syriza décidera, dans le pays juste convalescent, de possibles élections législatives anticipées.

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