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Dominic Champagne met en scène le Printemps arabe
Théâtre Quat'Sous

Depuis quelques années, l'auteur et metteur en scène, Dominic Champagne, s'est impliqué dans plusieurs débats de la société québécoise en pourfendant notamment les gaz et le pétrole de schiste. Et lorsqu'il pose un regard sur un événement extérieur, comme le Printemps arabe, c'est également sur le ton de l'engagement. Sa nouvelle production théâtrale Besbouss, autopsie d’un révolté, nous permet d'ailleurs de faire une incursion au cœur de la grande révolution qui a touché plusieurs pays de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient à partir de 2010.

La pièce, écrite par son acolyte Stéphane Brulotte et dont Champagne signe la mise en scène, est le résultat d’un engagement qui a débuté chez lui dans la campagne où il réside. «Lorsque des gazières ont débarqué dans mon coin, à Bécancour, afin de promettre à la population bonheur et prospérité, j’ai été témoin de l’arrogance des puissants et de la résignation du peuple, explique-t-il en entrevue avec le Huffington Post Québec. Choqué, j’ai alors ressenti une sorte d’engagement politique. J’ai décidé de m’impliquer davantage aussi bien sur le terrain que sur la scène du théâtre.»

Ainsi, Besbouss, autopsie d’un révolté, représente en quelque sorte la continuité des combats de Dominic Champagne. «J’ai beaucoup parlé avec Stéphane Brulotte. On a discuté de la désobéissance civile, un thème que l’on voulait aborder ensemble. Et puis Stéphane est tombé sur l’histoire du Tunisien Mohamed Bouazizi, véritable détonateur du Printemps arabe.»

Mohamed est ce jeune vendeur ambulant de vingt ans qui a décidé, le 17 décembre 2010, de s’immoler sur la place publique de Sidi Bouzid. «C’est un geste ultime, un acte de désespoir commis par un homme révolté. L’absurdité de sa situation a fait qu’au bout du compte, il ne prend pas les armes contre l’oppresseur, mais contre lui. Cela pose plusieurs questions fondamentales comme celles du sens de la vie, de la révolte ou de l’engagement», déclare Champagne.

Un dialogue intérieur

Besbouss, ça signifie «celui qui est à croquer de baisers». C’est le surnom affectueux de Bouazizi que lui donnait sa mère. Sur les planches, on ne verra que son cadavre posé sur le sol et recouvert en partie d’un vulgaire linceul. À ses côtés, on découvrira un médecin légiste interprété par le comédien d’origine marocaine Abdelghafour Elaaziz qui reçoit la mission de maquiller les faits.

«Le public est invité à passer un moment dans le sous-sol du ministère de l’Intérieur tunisien à l’orée d’une révolution, précise le metteur en scène. Le mort n’est qu’un anonyme parmi d’autres. Mais la rue gronde. Il reçoit du pouvoir en place l’ordre de transformer l’immolation de jeune homme en un geste d’un fou, d’un délirant afin d’en rendre la portée insignifiante.»

L’ensemble prend la forme d’un huis clos. Un dialogue intérieur entre le médecin et le mort va naître. Dehors, la révolution, sur le point d’éclater, ne menace pas encore le socle du dictateur Ben Ali. Toutefois, les fissures apparaissent. «Le médecin vient accomplir la commande qu’il a reçue de la police. Il n’est pas forcément un être bon. Pourtant, le cadavre de ce jeune de vingt ans va provoquer chez lui un sursaut d’humanité. Sa présence sans vie l’oblige à se commettre, car il se retrouve devant une terrible provocation. Une force dramatique qui rappelle Antigone sur le point de se pendre ou Hamlet devant le spectre de son père assassiné» dit-il.

Il n’y a pas seulement les milliers de kilomètres qui séparent la Tunisie du Québec. Les cultures, les langues, les sociétés sont différentes. Toutefois, le metteur en scène insiste pour dire que le Printemps arabe évoque un message universel. «Toute proportion gardée, les événements qui ont eu lieu dans ce pays sont un écho à notre propre Printemps érable. En se soulevant, les Tunisiens nous ont offert une leçon de courage et d’humanité. Au Québec, le dogme des libertés individuelles tente de banaliser la volonté populaire. Il y a deux ans, les grèves étudiantes de 2012 sont venues rappeler que la volonté populaire est toujours vivante.»

Besbouss, autopsie d’un révolté – Une coproduction du Théâtre de Quat’Sous et du Théâtre il va sans dire – Texte Stéphane Brulotte – Mise en scène Dominic Champagne – Avec Abdelghafour Elaaziz – Du 22 avril au 17 mai 2014.

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