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Au Soudan du Sud, des enfants-soldats combattent dans un conflit qui s'enlise

Au Soudan du Sud, des enfants-soldats combattent dans un conflit qui s'enlise

Gach Chuol, 13 ans, ressemble à bien des garçons de son âge, hormis le fusil entre ses mains et le désir de vengeance qui le ronge alors qu'il se prépare, comme d'autres enfants-soldats du Soudan du Sud, à rejoindre les combats.

"Je veux me battre à cause de ce qu'ils ont fait à mes parents", tués par le camp adverse, confie le jeune homme enrôlé dans l'Armée blanche. Cette milice combat les forces gouvernementales du président Salva Kiir aux côtés des rebelles affiliés à l'ancien vice-président Riek Machar, limogé à l'été 2013.

Le conflit a fait des milliers (et sans doute des dizaines de milliers) de morts et près de 900.000 déplacés. Il a éclaté le 15 décembre dans la capitale, Juba, avant de s'étendre à d'autres zones du pays, dont la ville stratégique de Bentiu, dans le nord pétrolifère, que les rebelles ont reprise mercredi.

Pour Gach Chuol et la plupart des soldats de l'Armée blanche, ce conflit n'est pas politique, mais ethnique: les Dinka du président Kiir affrontent les Nuer de Riek Machar.

"Je veux aller me battre contre les Dinka", raconte Matt Thor, 15 ans, dont le père a été tué peu après le début des combats. "Je veux y aller et tuer".

Koang Monying, commandant de l'Armée blanche dans la base de Nasir, dans l'Etat du Haut-Nil (nord-est) riche en pétrole, prétend que sa milice ne recrute pas activement d'enfants mais les accepte s'ils viennent de leur plein gré.

"Certains de ces jeunes garçons sont très amers car ils ont perdu des proches", explique-t-il. "Ils ont décidé de prendre les armes pour se venger".

L'Armée blanche, qui tire son nom des cendres avec lesquelles ses combattants se peignent le corps pour effrayer leurs ennemis et éloigner les moustiques, a une structure de commandement distincte de celle des troupes de Riek Machar, aux ambitions politiques très éloignées de ces combattants au mode de vie pastoral traditionnel.

"Nous ne nous battons pas" pour Riek Machar, "nous nous battons à cause de ce qui est arrivé à Juba, c'est une vengeance", explique Dama Gatech, évoquant les massacres ethniques qui ont eu lieu dans la capitale au début du conflit.

Ces combattants accordent d'ailleurs peu d'importance aux pourparlers de paix en cours en Ethiopie. Et soulignent qu'ils continueront à se battre tant que le président sera au pouvoir.

"Si cela veut dire qu'ils combattront jusqu'à ce que le dernier homme tombe au champ de bataille, alors ils le feront", assure le commandant Koang Monying, laissant craindre que le pays ne sombre davantage encore dans la violence alors qu'il sortait à peine de décennies de guerre civile ayant mené à l'indépendance.

Lors d'un entretien lundi avec l'AFP dans sa cache secrète du Haut-Nil, le chef rebelle Riek Machar demeurait vague sur sa relation avec l'Armée blanche, affirmant ne pas approuver la présence d'enfants-soldats mais admettant que la milice, accusée de massacres et de viols, lui fournissait un "bon coup de main".

"Nous ne les renions pas, ils font partie de notre camp. Nous combattons côte à côte contre les forces gouvernementales. Nous essayons de leur enseigner ce qu'on ne peut pas faire lors d'une guerre", a dit M. Machar.

Les forces rebelles manquent toutefois cruellement de ressources et ne peuvent compter que sur le pillage pour se réapprovisionner.

"On nous a forcés au combat, c'est pourquoi nous n'avons pas de ressources", explique Garthoth Gatkuoth, le commandant des rebelles du Haut-Nil. Ce qui n'empêche pas des dizaines de soldats de partir pour le front chaque jour, ajoute-t-il.

Nhial Lual, 35 ans, n'attend que la guérison d'une blessure par balle récoltée au front pour repartir combattre près des champs pétroliers. Il n'a aucun scrupule à tuer ses concitoyens: "ce ne sont pas mes frères. (...) Peu importe le temps que cela prendra, même si ça prend 10 ans, je les vaincrai".

Gach Chuol aimerait bien, quant à lui, retourner à l'école si la guerre se termine.

Mais pour l'instant, il doit se battre. "Je n'ai pas peur", lâche le garçon en prenant la direction du front.

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