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Montréal en guerre contre l'agrile du frêne

Montréal en guerre contre l'agrile du frêne

Des employés municipaux ont dû abattre des centaines d'arbres infestés par l'agrile du frêne dans plusieurs arrondissements de Montréal, en attendant de pouvoir en traiter des centaines d'autres en été.

Un photoreportage de Anne-Louise Despatie

Plusieurs rues de Montréal seront défigurées quand les bourgeons éclateront. Dans le seul arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, un des plus touchés par l'agrile du frêne, plus de 300 arbres matures ont été abattus au cours des derniers jours. Et il faudra encore en abattre une centaine à l'automne.

Sur la 9e avenue, entre les rues Dandurand et Holt, pratiquement un arbre sur deux a été coupé. « Rosemont perd de son charme », admet une résidente. Mais la réduction du couvert d'arbres est aussi un problème de santé publique, alors qu'on parle de plus en plus d'îlots de chaleur. Plusieurs études démontrent que les arbres améliorent les conditions de vie des citadins. Dans 10 États américains, la perte des frênes est directement responsable de la mort de 21 000 personnes en 5 ans. L'agrile du frêne fait des ravages depuis 2002 aux États-Unis.

L'abattage dans les rues de Rosemont est terminé. Il reste quelques frênes infestés à faire tomber dans le parc Maisonneuve, comme cet arbre d'une cinquantaine d'années.

« Actuellement, on se dépêche de couper le plus rapidement possible ceux qui sont les plus malades, ceux qu'il sera impossible de sauver. Ce sont des coupes préventives pour protéger les autres frênes à proximité », dit François Croteau, le maire de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie.

Pour plusieurs, c'est une bataille perdue d'avance, comme l'explique François Croteau. « L'idée, c'est de faire survivre le plus grand nombre de frênes le plus longtemps possible, en attendant de les remplacer. » Il faudra aussi traiter les arbres infectés plus tard dans l'été, et surtout mettre en place un plan d'attaque à long terme. Le seul biopesticide homologué au Canada est le TreeAzin, qui doit être injecté au pied des arbres tous les deux ans.

Puis, il faut disposer des arbres abattus en les déchiquetant pour limiter la propagation de l'agrile du frêne. D'ailleurs, l'Agence canadienne d'inspection des aliments vient d'élargir la zone hors de laquelle il est interdit de déplacer bois de chauffage, matériaux d'emballage et résidus de bois. La zone s'étend maintenant de la Montérégie à l'Outaouais en passant par les Laurentides, et de Sault-Sainte-Marie à Windsor, en Ontario.

Les professeurs d'écologie forestière de l'UQAM Daniel Kneeshaw et Christian Messier estiment qu'il est urgent pour la grande région de Montréal de se donner une stratégie d'ensemble à long terme. Le problème connaît une croissance exponentielle. « Il y a deux ans, 10 arbres ont dû être abattus à Montréal; 100 l'an dernier, et 1000 cette année. Qu'est-ce qu'on peut imaginer pour l'an prochain? se demande Daniel Kneeshaw. Il faut se souvenir des ravages de la maladie hollandaise de l'orme dans les années 70 et diversifier la forêt urbaine. »

À la pépinière municipale de Montréal, située à l'Assomption, on prépare la relève en cultivant 5000 arbres par année. On veut aussi éviter le piège de la monoculture, alors on a doublé le nombre d'espèces cultivées en 12 ans. Dans les serres, on fait pousser plus de 80 variétés, notamment des féviers, des érables, des chênes et des chicots du Canada, des arbres bien adaptés à la ville et capables de faire face au réchauffement climatique.

Il faut de 8 à 10 ans pour cultiver les arbres qui remplaceront les 200 000 frênes en sursis dans les espaces publics de la métropole. La Ville de Montréal, qui voulait faire passer son couvert végétal de 20 à 25 % d'ici 2025, n'atteindra certainement pas son objectif si elle perd ses frênes matures à cause de l'agrile.

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