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Afghanistan : le lourd héritage des mines antipersonnel

Afghanistan : le lourd héritage des mines antipersonnel

La machinerie, le bruit de ferraille, les hommes qui vont et qui viennent en sarrau bleu foncé, on se croirait dans un atelier mécanique. En quelque sorte, c'est le cas. Un atelier mécanique qui fabrique des pièces de rechange pour le corps humain.

Un texte de Marie-Ève Bédard

Les techniciens orthopédiques de la Croix-Rouge internationale qui travaillent ici ont de quoi faire. Des décennies de guerres en Afghanistan ont laissé dans leurs traces des millions de mines antipersonnel. Des charges explosives qui sont autant de pièges pour des victimes innocentes. Des enfants, des femmes, des fermiers, des bergers : elles frappent sans distinction au hasard des chemins, des routes empruntées.

Dans six ateliers partout au pays, la Croix-Rouge produit environ 600 prothèses tous les mois.

Dans la pièce voisine de l'atelier, Mohamed pose un pied assuré devant l'autre. Il suit un tracé au sol dans une salle de réhabilitation à quelques reprises avant de s'asseoir pour se reposer, satisfait. Des années d'expérience à marcher avec une prothèse pourraient faire oublier son handicap, si ce n'était de son pantalon relevé qui expose sa jambe artificielle.

C'était en 1998. Comme des milliers d'Afghans, Mohamed a été mutilé par une mine enfouie par les soldats soviétiques. Depuis 1989, les efforts de la communauté internationale ont permis de détruire 630 000 mines antipersonnel. Les Nations unies affirment qu'il est impossible de savoir combien il en reste, mais soulignent que l'Afghanistan est toujours un des pays les plus minés au monde avec 4500 champs de mines sur environ 550 kilomètres carrés.

Au centre de réhabilitation, Mohamed se remet en piste pour un dernier ajustement de sa prothèse. Au passage, il croise un jeune soldat pour qui les quelques mètres à parcourir sont beaucoup plus pénibles, les tous premiers de sa nouvelle vie d'amputé. Ses deux jambes ont été pulvérisées par un engin explosif improvisé, l'arme de choix des talibans qu'il combattait au sein de l'armée afghane, une profession sur laquelle il doit faire une croix.

Le directeur du centre orthopédique, Najmuddin Helal, explique que lorsque le jeune soldat aura appris à marcher à l'aide de ses prothèses, il pourra compter sur le centre pour obtenir une formation professionnelle.

« En plus des soins orthopédiques, des prothèses, nous aidons les patients du centre à réintégrer la société. Nous offrons des formations professionnelles, de l'éducation et nous avons un programme de microcrédit. C'est essentiel pour eux de retrouver un rôle utile et les stigmas qui entourent leur handicap sont toujours très grands en Afghanistan », dit-il.

Najmuddin Helal en sait quelque chose. Dans son bureau, il se tient fièrement debout en racontant que comme tous les employés du centre orthopédique, il est lui-même handicapé.

« J'avais 18 ans et je conduisais ma voiture à travers champs quand soudainement, j'ai ressenti l'explosion. J'ai perdu mes deux jambes. J'ai passé de longs moments seul à la maison, déprimé, sans but. Je cherchais du travail, mais on ne voulait pas de moi. Puis, je suis arrivé au centre. L'avantage le plus important de n'employer que des handicapés, c'est que ça permet de démontrer aux patients qu'il est possible de se remettre, qu'il auront peut-être la chance de trouver un bon emploi. »

Ici, en tous cas, les services des techniciens et thérapeutes vont demeurer essentiels longtemps. Les mines antipersonnel ont fait en moyen 39 nouvelles victimes chaque mois l'an passé.

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