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En Inde, être accusé de meurtre n'empêche pas de devenir député

En Inde, être accusé de meurtre n'empêche pas de devenir député

La liste des accusations criminelles portées contre Kameshwar Baitha est longue et effrayante mais l'homme politique est loin d'être un cas à part en Inde: un cinquième des candidats aux législatives sont soupçonnés d'un crime.

Seize accusations de meurtre, 25 de tentatives de meurtre, trois d'extorsion etc..: dans nombre de pays démocratiques, un tel "palmarès" serait incompatible avec l'espoir d'une réelection au parlement.

Mais Baitha estime que ces 109 chefs d'accusation, héritées de son passé de rebelle maoïste dans son Etat du Jharkhand (est), ne compromettent pas ses chances.

"Ce que j'ai fait, en particulier pour les catégories sociales les plus fragiles, dans ma circonscription est ce qui me rend populaire (...) tout le monde sait que je suis l'homme à battre", déclare Baitha à l'AFP, qualifiant de fausses les accusations qui pèsent sur lui.

Le combat contre la corruption et la moralisation de la classe politique indienne figurent parmi les préoccupations principales des électeurs indiens, en particulier les classes moyennes et l'électorat urbain.

Baitha, élu au parlement pour la première fois en 2009, estime qu'il représente une sorte de Robin des bois pour ses électeurs, population pauvre et essentiellement tribale d'une région forestière.

"Vous qui êtes à Delhi, venez dans ma région et vous verrez ce que les gens disent de moi, ce qu'ils pensent de ces affaires judiciaires", ajoute au téléphone le parlementaire, de plus en plus irrité.

Près d'un cinquième des candidats aux 543 sièges de la chambre basse du parlement font face à des chefs d'accusations criminels de la part de la justice, selon le think tank Association for Democratic Reform.

Et les régions pauvres et reculées, comme le Jharkhand, ne sont pas les seules concernées. Ainsi cinq des sept candidats du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) à New Delhi doivent répondre d'accusations criminelles, certes relativement mineures.

Un proche de Narendra Modi, le candidat du BJP donné favori pour devenir Premier ministre, est accusé de meurtre et d'extorsion.

En Inde, des millions d'électeurs se déterminent par rapport à une caste ou une appartenance régionale. Ils estiment souvent que ces accusations résultent de manipulations d'adversaires politiques ayant la main sur la police ou la justice.

"Il y a beaucoup de vrai là-dedans, certains accusations sont motivées politiquement et forgées de toutes pièces", relève Satish Misra, analyste de l'Observer Research Foundation basée à Delhi.

"Mais il y a également beaucoup de criminels en politique", ajoute Misra qui a analysé les élections en Inde sur trois décennies.

L'analyste impute cette situation à une culture indienne traditionnelle restée féodale. En dépit du système démocratique, les politiques indiens ont toujours recours à des hommes de main ou des "agents d'influence" pour orienter les votes.

"Le lien entre politique et monde du crime est toujours très fort", dit-il à l'AFP.

Même quand les politiques sont contraints de démissionner, ils trouvent moyen de contourner leur mise à l'écart. Ainsi Lalu Prasad Yadav, homme fort de l'Etat du Bihar, a installé sa femme quand il a dû quitter le poste de chef de l'exécutif de l'Etat en 1997 pour une affaire de corruption.

Le couple a ainsi dirigé le Bihar, l'un des Etats les plus peuplés d'Inde, entre 1990 et 2005. Yadav est ensuite devenu ministre des chemins de fer de l'Inde.

Il a été finalement privé de son poste de député en septembre après avoir été condamné dans une affaire de détournement de fonds destiné au fourrage du bétail dans les années 90, en application d'une nouvelle législation.

L'électorat se montre de plus en plus exigeant envers les politiques, comme le prouve l'élan suscité par Arvind Kejriwal, champion de la lutte anti-corruption ayant remporté un succès inattendu aux élections du territoire de Delhi l'an dernier.

L'ancien inspecteur des impôts a ainsi forcé le parti du Congrès, au pouvoir en Inde depuis 2004 et touché par de multiples affaires de corruption, et le BJP de s'engager à mettre en place un gouvernement propre.

Les électeurs "savent que si des corrompus sont élus, la gouvernance le sera également", déclare Trilochan Sastry, de l'Association for Democratic Reform.

Baithan, le candidat aux multiples accusations semble cependant encore peu touché par ce changement d'état d'esprit: "la pauvreté et le développement sont les sujets cruciaux pour mes électeurs et moi", dit-il.

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