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La Chine, fascination des photographes français depuis 170 ans

La Chine, fascination des photographes français depuis 170 ans

D'abord il y eut les militaires et les diplomates, puis les missionnaires, ensuite les aventuriers et enfin les reporters: depuis 1844, les Français photographient la Chine et, à les écouter, leur fascination est loin de s'éteindre.

Ainsi l'illustre une exposition inaugurée cette semaine à Pékin: issus des collections de la Bibliothèque nationale, des musées Guimet, Getty et de Canton, ces 220 clichés au Today Art Museum sont pour la plupart en noir et blanc.

Ils décrivent le quotidien et les tournants de la tumultueuse histoire chinoise: révoltes populaires, fin des empereurs, guerre révolutionnaire, maoïsme, 30 glorieuses économiques...

Certaines images ont été rarement montrées, comme ces plaques réalisées par Michel de Maynard, un franciscain présent de 1906 à 1912 dans la région du Shanxi.

D'autres sont ultra-célèbres, comme cette unité de la milice populaire saisie par Henri Cartier-Bresson devant la Cité interdite, dont le porche n'est pas encore orné du portrait de Mao. Ou, du même grand maître, cette photo de 1948 du dernier eunuque de l'impératrice.

C'est à Jules Itier, un inspecteur des douanes chargé d'une mission commerciale, qu'on doit les premières vues photographiques connues de Chine.

Il prit celles-ci au daguerréotype, quelques années seulement après que l'Etat français eut, en 1839, livré au public le procédé primitif de photographie mis au point par Louis Daguerre.

Nommé localement Fang Su Ya, le consul Auguste François (1857-1935) a également laissé de nombreux clichés d'une Chine intacte des influences occidentales.

Il a capturé la vie des faubourgs, les petits métiers, les grands mariages, les condamnés à mort, comme le pendant de son journal.

Ses oeuvres présentent une scène d'épouillage dans la rue, un raccommodeur de porcelaine, des têtes coupées de rebelles suspendues dans des cages au Yunnan.

"De 1855 à 1880, la photographie est limitée à des gens qui ont des moyens, qui maîtrisent la technique", explique Alain Sayag, commissaire de l'exposition. "Il faut avoir son laboratoire, par exemple ses procédés à l'albumine, il faut développer juste après la photo".

Le consul François dispose ainsi de huit porteurs pour son matériel. Il tire lui-même ses photos dans des chambres noires improvisées, derrière les rideaux de sa chaise à porteurs ou dans la cabine de sa jonque.

Les photographies commerciales font leur apparition grâce à Louis Legrand, un marchand établi à Shanghai. Ces vues stéréoscopiques des cités chinoises sont vendues sur les grands boulevards à Paris.

"La Chine qu'on montre au XIXe xiècle, c'est la Chine qu'on veut voir. C'est la Chine des jardins avec des pierres, des gens avec des nattes, c'est vraiment l'exotisme très codé. Cela va durer, en gros, jusqu'à l'apparition de la photographie moderne dans les années 1880", poursuit Alain Sayag.

Ces photographes d'il y a un siècle ont selon lui "tendance à écrire beaucoup et à voir la photographie comme une manière de raconter des histoires".

Emblématiques des écrivains-photographes, Victor Segalen et Pierre Loti n'ont pas évoqué la même Chine.

Le premier s'est surtout intéressé aux vieilles pierres. Le second arrive à Pékin avec les troupes françaises après la révolte des Boxers.

Dans la Cité interdite désertée, Loti s'installe dans l'appartement de l'impératrice Cixi. Là, il trouve des malles d'habits, se costume en mandarin et se photographie. Le cliché est passé à la postérité.

"Comme Loti, les Chinois passent leur temps à se photographier en se mettant des vêtements anciens, dans n'importe quel temple, n'importe que lieu historique", souligne M. Sayag.

Avec la fin de la Chine impériale, les photographes se font rares dans les provinces, jusqu'en 1947-1948. Époque charnière où Cartier-Bresson assiste aux derniers soubresauts du Guomindang.

Les années 1950 voient arriver d'autres pointures du grand reportage: Marc Riboud ou le Suisse Fernand Gigon (mort en 1986), qui décrit l'échec du "Grand bond en avant" maoïste.

Ils influencent la génération qui débarque dans la Chine des réformes.

"Ce qui me touche particulièrement dans le travail de Cartier-Bresson en Chine, c'est le silence qui s'impose au photographe dans cette agitation et ce tumulte", commente ainsi Pascale Peyret, qui depuis 2006 photographie la Chine au sténopé, une simple boîte munie d'un trou d'épingle.

"Je suis sans doute fasciné par le heurt de temps et de mondes parallèles au sein d'une Chine qui évolue très vite tout en gardant des aspects, des résistances, des noeuds anciens", confie de son côté Thierry Girard, auteur de deux livres sur ce pays.

Catherine Henriette, qui a travaillé pour l'AFP à Pékin avant de suivre sa voie artistique, est elle davantage attirée par la Chine immuable, à l'image de ce cerf-volant immobile qu'elle fixe dans le froid sibérien d'Harbin.

"C'est vrai que j'ai aimé la Chine d'il y a 25 ans et que j'essaie toujours de rester sur cette Chine-là", dit-elle. "Mon travail est un peu nostalgique".

seb/ple/jh

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