Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

L'élection, un coin de ciel bleu pour les Afghanes en burqa de Jalalabad

L'élection, un coin de ciel bleu pour les Afghanes en burqa de Jalalabad

Leurs longues files de burqas bleues ont marqué l'élection présidentielle de samedi: à Jalalabad comme dans les autres grandes villes, les Afghanes ont répondu présentes, entre détermination et joie discrète.

Devant l'entrée d'une école transformée en bureau de vote, trois femmes posent face aux photographes déployés pour ce premier tour de scrutin à Jalalabad, principale cité de l'est afghan.

Portant sur un bras leur bébé emmailloté dans un drap fleuri, elles montrent fièrement leur index trempé dans de l'encre violet, preuve qu'elles ont voté.

Elles ne s'éterniseront pas, rabattant rapidement la burqa bleue azur qu'elles avaient repoussée derrière la tête le temps de glisser leur bulletin dans l'urne.

Ayesha, 20 ans, affiche une détermination inébranlable pour son tout premier vote, et ce peu importe les menaces des talibans, très présents dans la région.

"J'ai l'âge de voter, et même s'il y avait un attentat suicide, j'aurais sacrifié ma vie, dit-elle. Car nous devons montrer aux ennemis de l'Afghanistan (les talibans, ndr) que nous n'avons pas peur, et les mettre KO en allant tous voter".

Son vote aurait été inimaginable entre 1996 et 2001, lorsque le régime des talibans privait les femmes de nombreux droits, dont celui d'étudier ou travailler.

A Sukhroad, un district proche de la ville, Marzia, la vingtaine, ressort comblée du bureau de vote. Un peu plus tôt, des rebelles locaux avaient pourtant tenté de dissuader les électeurs en y posant une bombe.

"L'explosion n'a fait que des blessés légers, mais je n'y ai pas fait attention: j'ai attendu de pouvoir voter pour choisir le futur dirigeant de mon pays", dit-elle.

"Aujourd'hui c'est notre jour, c'est la journée des femmes!", lance de son côté Shabnam, une électrice du même âge, qui n'en revient toujours pas d'avoir voté.

A Jalalabad et dans ses environs, les longues files d'attente des femmes en burqa se sont formées avant même l'ouverture des bureaux de vote, signe de l'évolution de cette société afghane urbaine sensibilisée à l'importance de l'élection via la télévision et les réseaux sociaux.

"Le vote est la meilleure arme dont disposent les femmes pour exprimer leurs revendications et les voir satisfaites", avait souligné pendant la campagne électorale un responsable de l'ONU en Afghanistan, Nicholas Haysom.

Il avait cité plusieurs chiffres encourageants, notamment le fait que plus de 300 des quelque 2.700 candidats aux élections provinciales, également organisées samedi, étaient des femmes.

Et que trois des huit candidats à la présidentielle -- tous des hommes -- avaient choisi une femme parmi leurs deux vice-présidents. Ainsi, l'un des favoris, Zalmai Rassoul, se présente avec Habiba Sarabi, ancienne gouverneure de Bamiyan (centre), un exemple régulièrement cité par les électrices.

Certains de ces messages ont porté. "Lorsque je suis parti au bureau de vote ce matin, ma femme et ma fille m'ont dit qu'elles voulaient aller voter elles aussi. Je ne m'y suis pas opposé", a ainsi expliqué un électeur anonyme de Jalalabad.

Mais selon des sources locales, les électrices étaient en revanche bien moins nombreuses samedi dans les zones rurales, où les rebelles talibans sont plus influents.

Lors des scrutins précédents en Afghanistan, le vote féminin a officiellement représenté 40% du total. Et c'est dans les campagnes, encore très traditionalistes que s'exprime son côté obscur, comme la fraude via de fausses cartes d'électrices, ou le vote tribal négocié en bloc pour un candidat.

Les femmes se sont également agglutinées aux abords des bureaux de vote de la capitale Kaboul, où les tenues à l'occidentale ou simples tuniques surmontées d'un foulard étaient les plus nombreuses, ainsi qu'à Kandahar (sud) et Khost (est), plus conservatrices.

Dans la matinée à Kaboul, l'un des candidats à la présidentielle, Daud Sultanzoi, avait fait une arrivée remarquée au bureau de vote en compagnie de sa femme, Zohra Yousif.

"Si les femmes d'Afghanistan veulent être entendues", a expliqué cette dernière, "elles doivent voter, car leur vote est un camouflet pour tous les esprits obscurs".

bur-str-emd/eg/mr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.