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Cancans, manucure et présidentielle dans un salon de beauté de Kaboul

Cancans, manucure et présidentielle dans un salon de beauté de Kaboul

Ce n'est pas parce qu'on se fait faire une manucure qu'on ne doit pas parler politique: au Black Diamond, un salon de beauté de Kaboul, on discute aussi élection présidentielle et droits des femmes, jusqu'au bout des ongles.

Le Black Diamond ("Diamant noir) est l'un des innombrables salons qui ont fleuri dans la capitale afghane après la chute des talibans en 2001, et dont l'éclosion illustre la rupture avec ce régime qui privait les femmes des droits les plus élémentaires.

L'Afghanistan reste néanmoins un pays islamique conservateur et ces établissements sont parfois pour les femmes la seule parenthèse de liberté dans un univers encore souvent cloisonné.

Papier-peint noir, fauteuils et banquettes en simili-cuir noir flambant neufs: le Black Diamond ne doit pas son nom au hasard.

"C'est un style nouveau pour l'Afghanistan et nos clientes apprécient", assure Balqis Azizi, propriétaire de l'établissement installé au coeur d'un petit centre commercial, dans un quartier résidentiel plutôt aisé de l'ouest de la capitale.

"Les affaires sont bonnes", ajoute cette femme à l'aise dans une paire de jeans et une veste bleu-cendré.

"Nous avons entre dix et vingt clientes par jour", qui pour farder leurs paupières peuvent choisir au sein d'un large éventail de couleurs, rose ou vert notamment, aux tons nettement plus vifs que les standards occidentaux. Autre pays, autres moeurs.

Dans un coin du salon, un écran plat diffuse ToloNews, chaîne privée afghane dont le gros des programmes est en ce moment consacré au premier tour, samedi, de l'élection présidentielle qui désignera le successeur de Hamid Karzaï.

Un sujet de discussion, parmi d'autres, entre les clientes et le personnel.

"Les femmes aiment bien parler quand elles sont ensemble. On parle de tout, y compris de politique", explique Balqis. "J'ai ma carte d'électeur, j'irai voter, clame-t-elle. Et puisse Dieu faire que ça ne tourne pas au vinaigre".

Le rituel est immuable: "On papote en prenant soin des clientes, pour qu'elles se sentent bien, heureuses", dit-elle.

Balqis est une femme de 49 ans, célibataire, qui a dû se battre et convaincre sa famille pour monter son affaire. Sa réussite, son indépendance, sont un exemple de ce que l'Afghanistan d'aujourd'hui peut offrir aux femmes.

Un signe également que si l'intervention occidentale en Afghanistan n'est pas parvenue à mater l'insurrection des talibans, elle a permis l'essor d'une société nouvelle, porteuse d'espoir, même si la situation des femmes dans les campagnes, plus conservatrices, reste moins réjouissante.

Ces progrès sont toutefois menacés par le retrait, d'ici à la fin de l'année, des troupes de l'Otan, qui plongera l'Afghanistan dans l'inconnu.

La communauté internationale "ne doit pas détourner le regard du combat des femmes quand les troupes étrangères auront quitté dans le pays", après 2014, prévient l'organisation Amnesty International. "Ce serait dévastateur".

Pour protéger ses droits, Salma Hadari, 25 ans, une esthéticienne du Black Diamond, en appelle aux candidats à la présidentielle. "Le prochain président devra respecter les femmes, et nous laisser travailler, aller de l'avant", dit-elle.

Comme nombre d'Afghans qui avaient fui le régime des talibans, elle a grandi entre le Pakistan, l'Iran et la Turquie, mais sa vie est aujourd'hui à Kaboul. "C'est sympa ici, les femmes viennent pour passer du bon temps, on papote, elles sont heureuses".

Mais qu'en est-il des femmes dans cette élection, qui oppose huit candidats? Huit, mais pas une femme.

A vrai dire, il faut se pencher sur les seize candidats à la vice-présidence pour en trouver une: Habiba Sarabi, présente sur le ticket de Zalmai Rassoul, un des favoris.

Si ce dernier était élu, l'ancienne gouverneure de la province de Bamiyan (centre) deviendrait la première femme à occuper ce niveau de responsabilité dans l'administration afghane.

La participation des femmes, faible lors de la présidentielle de 2009, sera également révélatrice des progrès réalisés et des barrières qui leur faut encore faire tomber.

"L'Afghanistan reste une société profondément patriarcale", remarque Kate Clark, une experte du Réseau des analystes aghans, basé à Kaboul."Mais dans la plupart du pays, le gens veulent que les filles aillent à l'école tout autant que les garçons. Et ça, ça fait une sacrée différence".

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