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L'Ukraine, un pari risqué pour le FMI

L'Ukraine, un pari risqué pour le FMI

En se portant au secours de l'Ukraine, le Fonds monétaire international se lance dans une opération à haut risque au vu de l'instabilité dans le pays et de son passif avec l'institution.

Entre 14 et 18 milliards de dollars sur deux ans: le plan d'aide annoncé jeudi fait partie des plus vastes jamais débloqués par le FMI même s'il reste inférieur aux 30 milliards prêtés à l'Irlande en 2010 ou aux 64 milliards alloués au total à la Grèce.

La crise ukrainienne est toutefois bien différente de la tempête financière qui a frappé certains pays de la zone euro. Au pouvoir depuis fin février, les autorités de Kiev n'ont pas été élues démocratiquement et ont déjà vu une partie de leur territoire absorbée par la Russie.

"Le FMI a connu de fortes tensions pendant la crise de la zone euro afin de concilier les positions de ses Etats-membres mais la situation en Ukraine est bien plus risquée", assure à l'AFP Domenico Lombardi, ancien administrateur du Fonds.

Afin de bénéficier des subsides de l'institution, le gouvernement ukrainien devra mettre son assise populaire à l'épreuve en lançant une cure d'austérité dont l'ampleur pourrait atteindre 2,5% du produit intérieur brut du pays.

Au bord de l'asphyxie, Kiev a déjà martelé être prêt à des "sacrifices" et a annoncé une hausse de 50% des prix du gaz pour la population, une exigence de longue date du Fonds.

Mais pour combien de temps? Cette bonne volonté résistera-t-elle à une escalade des tensions avec Moscou ou à l'élection présidentielle qui se profile en Ukraine?

"C'est très certainement risqué. Mais ce n'est pas parce qu'un pays est instable politiquement qu'il n'a pas le droit aux programmes du FMI", répond Ted Truman, ancien responsable du Trésor américain. "C'est même tout le contraire".

Par essence, le Fonds est appelé à la rescousse dans des pays où crise politique et économique peuvent se conjuguer comme en Thaïlande à la fin des années 90.

"C'est pour ça que le FMI existe", abonde Jacob Kierkegaard, chercheur au centre de réflexion du Peterson Institute, qui estime même que la crise ukrainienne peut être un atout pour le Fonds.

"En étant cynique, on peut se dire qu'avec une menace extérieure telle que la Russie et le nombre de personnes tuées au nom de la révolution, cela ouvre une fenêtre de tir unique pour faire passer de difficiles réformes", soutient M. Kierkegaard.

Mais l'instabilité a ses limites pour le FMI. En Egypte, le Fonds avait annoncé fin 2012 être prêt à apporter 4,8 milliards de dollars au pays avant de battre en retraite face aux troubles politiques au Caire.

Un autre élément incite à la plus grande prudence. Au cours des six dernières années, le FMI a déjà attribué à l'Ukraine deux lignes de crédit massives, de 16,4 milliards de dollars en 2008 et de 15,1 milliards en 2010.

Ces deux programmes ont toutefois été interrompus rapidement face au refus des autorités d'appliquer des mesures par nature impopulaires, et le plus gros de l'argent n'a jamais été débloqué. Le président déchu Viktor Ianoukovitch et, avant lui, son opposante Ioulia Timochenko, au pouvoir en 2009, avaient tous les deux résisté aux exigences du Fonds.

Afin d'éviter un troisième échec en Ukraine, le FMI devra de nouveau vérifier si Kiev remplit suffisamment sa part du contrat pour bénéficier de son aide.

Mais la pression sera bien plus forte aujourd'hui. Etats-Unis en tête, les Occidentaux ont déjà poussé le Fonds à répondre rapidement à Kiev et guettent à présent son feu vert pour apporter leur propre aide.

Jeudi, le président Barack Obama a déjà salué "le grand pas en avant" réalisé par le FMI alors qu'aucun centime n'a été versé et que le plan doit encore être approuvé par les Etats-membres de l'institution, dont la Russie.

"Le FMI est sous une pression sans précédent de ses principaux actionnaires, les Etats-Unis mais aussi la Russie et les Européens", assure M. Lombardi, ajoutant qu'un défi supplémentaire attend le Fonds: "détecter les sources de croissance" en Ukraine alors qu'une récession de 3% s'annonce cette année.

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