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Les Européens prudents dans le choix des sanctions visant la Russie

Les Européens prudents dans le choix des sanctions visant la Russie

Contrairement aux Etats-Unis qui ont décidé de frapper la Russie directement au portefeuille en représailles au rattachement de la Crimée, les Européens ont choisi des sanctions ciblées de manière à préserver leurs propres intérêts économiques et respecter le cadre légal européen.

La liste des personnalités sanctionnées par l'UE a été élargie à 12 nouveaux responsables, dont les noms ont été publiés vendredi au second jour d'un sommet européen largement consacré à la crise russo-ukrainienne.

Cette nouvelle liste porte à 33 le nombre de personnes visées, en Russie et en Crimée, par une restriction de visas et un gel de leurs avoirs, et se rapproche de Vladimir Poutine, dont plusieurs proches conseillers sont visés. Parmi elles figurent aussi le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, et des responsables politiques et militaires.

Mais, contrairement aux Etats-Unis, les Européens n'ont pas visé la banque Rossiya et son principal actionnaire Iouri Kovaltchouk, souvent présenté comme le banquier personnel de Vladimir Poutine.

La liste américaine compte aussi d'autres grandes fortunes russes comme le milliardaire Guennadi Timtchenko ou les frères Arkadi et Boris Rotenberg, qui auraient reçu 7 milliards de dollars de contrats directement du président russe dans le cadre des JO de Sotchi, selon le Trésor américain.

Les sanctions européennes "sont très limitées, elles n'ont qu'un impact symbolique", juge Xavier Follebouckt, spécialiste de la Russie et des relations internationales à l'université catholique de Louvain (Belgique).

Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, présent à Bruxelles vendredi pour signer le volet politique du traité d'association entre son pays et l'UE, a pourtant insisté sur l'importance des sanctions économiques. "Le meilleur moyen de contenir la Russie est de la soumettre à une réelle pression économique", a-t-il dit.

Des sanctions économiques sont bel et bien envisagées par l'UE, mais seulement dans une prochaine phase et en cas d'escalade éventuelle des tensions avec Moscou.

De fait, de telles sanctions seraient délicates à appliquer sans nuire aux intérêts économiques européens, beaucoup plus liés à la Russie que les Etats-Unis, que ce soit en terme de dépendance énergétique ou d'investissements directs.

Même la liste des 12 nouveaux responsables russes visés par l'UE a été difficile à établir, car "certains auraient des avoirs au Luxembourg et à Chypre", selon un diplomate européen qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat.

En cas de sanctions économiques, "il faudra parler de la répartition de la charge éventuelle du préjudice subi entre les Etats de l'UE", explique une autre source diplomatique.

Par ailleurs, "l'Europe et les Etats-Unis ont procédé différemment" dans l'élaboration de leurs listes, car "l'approche européenne a consisté à cibler des personnes ayant un lien direct avec la Crimée", a expliqué le Premier ministre britannique David Cameron vendredi.

Les Européens tiennent en particulier à éviter à l'UE d'être poursuivie devant la Cour de justice de l'Uunion européenne (CJUE). A cet égard, l'ajout à la liste du journaliste Dmitri Kisselev, connu pour ses diatribes haineuses, a été âprement discuté, certains parmi les 28 craignant que Vladimir Poutine ne dénonce des entraves européennes à la liberté de la presse.

Comparer la liste américaine et la liste européenne "n'est pas pertinent", estime un haut responsable européen. "Nous ne sommes pas en compétition avec les Etats-Unis", et quoi qu'il en soit, "le poids de notre liste est bien plus lourd que celui de la liste américaine", selon lui.

Les responsables visés "ne peuvent plus venir à Londres, à Nice, sur la Costa del Sol, au Luxembourg ou à Chypre. Psychologiquement, cela pèse plus lourd", explique-t-il en ajoutant : "le plus important, c'est l'isolement politique et diplomatique" de la Russie.

Il n'empêche que pour Thomas Gomart, directeur du développement stratégique à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "les sanctions individuelles ne sont pas calibrées aux enjeux". Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales à L'Institut d'études politiques de Paris, va même plus loin dans la critique en estimant qu'"on n'est pas loin de se ridiculiser avec ce type de sanctions".

Mais les Etats-Unis "sont très loin" de la Russie, et dans ce cas "c'est toujours plus facile", s'est justifié un autre haut responsable européen sous le couvert de l'anonymat, pour qui les sanctions sont là pour créer "un climat" et "déstabilisent déjà" là Russie.

bur-cel/aje/bir

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