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La police, transformée en suspect numéro un par la défense de Pistorius

La police, transformée en suspect numéro un par la défense de Pistorius

"Ou étiez-vous à 06H08?... Dans la salle de bains, madame le juge". Au douzième jour du procès d'Oscar Pistorius mardi, ce n'est pas le champion handisport accusé de meurtre qui a été questionné comme un suspect, mais un enquêteur.

A la manoeuvre depuis le 3 mars, Barry Roux, l'avocat de l'athlète, n'en a pas fini d'attaquer les approximations des policiers sud-africains appelés en pleine nuit le 14 février 2013. Le champion handicapé venait d'abattre sa petite amie Reeva Steenkamp de quatre coups de feu, par accident selon lui.

Mardi, c'était au tour de Barend van Staden, un photographe de la police scientifique de Pretoria, arrivé à l'aube pour faire le portrait de la scène du crime sous tous les angles, traces de sang, arme, impacts sur les portes et chambranles, effets personnels.

Pour les besoins de l'enquête, ses photos ont été rangées dans des classeurs numérotés.

Commence alors pour lui l'épreuve du feu, qui ne s'arrêtera qu'à l'arrivée du témoin suivant, le capitaine Chris Mangena, expert balistique, qui mettra Pistorius en larmes.

Barry Roux va d'abord disséquer chaque photo, demandant tantôt pourquoi il l'a prise ou pourquoi il ne l'a pas prise, ponctuant son contre-interrogatoire de ses petites phrases désormais cultes en Afrique du Sud, telles que "si vous ne vous rappelez pas, vous ne vous rappelez pas" ou "laissez-moi vous aider".

Sur les écrans du tribunal, il fait apparaître la batte de cricket, traînant par terre maculée de sang, avec laquelle Oscar Pistorius a défoncé la porte des toilettes après avoir tiré, croyant abattre un cambrioleur, selon sa version.

Me Roux fait observer la position de la batte par rapport aux rayures du carrelage.

"On dirait qu'elle a été bougée", dit-il, comparant deux photos. Le témoin acquiesce: "C'est ce qu'on dirait."

Une heure plus tard, le procureur Gerrie Nel tordra le cou à cette manipulation, montrant que la différence apparente de quelques millimètres entre les deux photos s'explique par les angles de prises de vue.

Entre-temps, un échange absurde va conduire Me Roux à se faire recadrer par la juge.

"Qu'est-ce que vous appelez le devant et le derrière de la batte?", tonne l'avocat. "Avez-vous déjà joué au cricket?", "regardé du cricket?", "avez-vous déjà vu quelqu'un tirer avec le dos de la batte, le côté pas plat?".

Barend van Staden, placide, répond alors que "non", il ne joue pas au cricket mais "oui" il avait déjà vu des matches, une évidence dans un pays ayant l'une des meilleures équipes du monde, et "non madame le juge", on ne frappe pas la balle avec la partie anguleuse de la batte.

Il tente alors vainement d'expliquer qu'en qualité de photographe, le "devant" est pour lui le côté qu'il a pu photographier sans retourner l'objet et le "derrière" l'autre face, non visible de prime abord.

"Objection madame le juge", intervient alors le procureur, accusant la défense de "ridiculiser" le témoin.

La juge Thokozile Masipa accepte l'objection, lançant à Me Roux: "Vous ne pouvez pas chercher querelle au témoin."

Les lèvres pincées, fixant le témoin d'un air vainqueur, l'avocat repart à la charge, passant en revue cette fois les photos prises par un autre enquêteur.

Comme au jeu des sept différences, il compare le contenu des images et les horaires, s'étonne que Van Staden n'ait pas vu son collègue.

"Vous ne pouviez pas le rater, il était en même temps dans le même couloir", dit-il. "Dites à la cour où vous étiez à 06H08?", "A quelle heure le colonel Motha est-il parti?", ajoute-t-il dans une spectaculaire inversion des rôles.

Dans le feu de sa démonstration de l'incompétence policière qu'il accuse à nouveau d'avoir "gravement dérangé la scène du crime", il fait mine d'ignorer que certaines photos montrent des gants portés par des enquêteurs.

Et préfère s'enquérir: "Qui a touché à la télécommande? Qui a bougé le ventilateur? Et le CD qui était sous le lit? Avez-vous sorti le contenu du sac de gym? Pourquoi n'avez-vous pas pris des photos de ce qu'il y avait dedans?"

Pendant ces échanges, Pistorius semble absent, plongé dans un livre. Imperturbable quand l'expert balistique décrit ses méthodes de mesure, il va une nouvelle fois fondre en larmes et se boucher les oreilles quand celui-ci décrit les plaies de la victime.

Le capitaine Mangena doit donner ses conclusions mercredi matin.

sf-clr/liu/de

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