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Le Muséum de Paris fait chanter des pierres préhistoriques sorties de l'oubli

Le Muséum de Paris fait chanter des pierres préhistoriques sorties de l'oubli

On ignore comment nos ancêtres préhistoriques en jouaient, mais leur son nous est parvenu intact: des milliers d'années après leur fabrication, des pierres musicales du Sahara néolithique vont de nouveau chanter en public samedi 22 mars au Muséum de Paris.

C'est dans le cadre d'un conte musical créé pour le 80e anniversaire de l'Orchestre national de France que ces lithophones (littéralement "pierres à voix"), pierres polies cylindriques d'environ 80 à 100 cm de long, vont revenir à la vie, sous les maillets délicats de quatre percussionnistes de Radio France.

"Après le concert, les 23 lithophones réintègrent les réserves ici, on ne refera jamais plus un tel concert", assure à l'AFP Erik Gonthier, ethno-minéralogiste au Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), l'homme sans qui ces pierres seraient peut-être restées silencieuses à jamais.

Car ces instruments de musiques, découverts pour la plupart par des militaires en poste dans les anciennes colonies françaises d'Afrique au début du XXe siècle, ont longtemps dormi dans des tiroirs sous l'étiquette "pilon saharien", voire "hache" pour les plus aplatis d'entre eux.

A la décharge des spécialistes, il est bien difficile de distinguer un pilon utilisé au néolithique pour moudre du grain d'un lithophone.

"Il y a la proportion de l'objet, plus long, son diamètre qui permet de le prendre dans la main. Mais surtout, il y a la qualité sonore! Si on tape dessus et que ça tinte comme une cloche d'airain, on a neuf chances sur dix de ne pas se tromper", résume Erik Gonthier.

Car ce passionné de pierres, qui a passé douze ans de sa vie à les tailler pour des joailliers de la place Vendôme avant de devenir scientifique pour mieux les comprendre, a l'oeil qui brille dès qu'il s'agit de taper sur des roches.

C'est même ainsi qu'il a identifié le premier lithophone saharien en 2004.

A l'époque, il commence par le tenir serré dans la main ou posé sur une table avant de le frapper "tout doucement" à l'aide d'un petit maillet, "mais ça sonnait pas terrible".

"Et puis je me suis rappelé du piano de ma grand-mère et des petits bouts de feutrine placés sous les cordes pour qu'elles sonnent bien. Alors j'ai été fouiller dans les poubelles du Muséum pour récupérer des bouts de mousse, j'ai posé le lithophone dessus et là, il a fait +tiiiiinnnnggggg+!", raconte M. Gonthier.

La pierre en question sera déclarée officiellement instrument de musique lithophonique en 2009. "Personne ne l'avait démontré avant nous, ça paraissait intolérable à mes confrères", bien que ce genre d'instrument soit connu dans d'autres parties du monde, en Asie par exemple, lance Erik Gonthier.

Coup de chance, ce premier lithophone est aussi "le plus beau" et sert de référence à tous ceux qui ont depuis lors été identifiés dans les collections du Muséum, ce qui lui vaut le surnom de "Stradivarius".

De la Mauritanie au Soudan en passant par le Niger ou la Côte d'Ivoire, ces instruments sont âgés de 10.000 à 4.500 ans.

"C'est le premier MP3 de l'humanité: un objet qui contient du son et qu'on peut transporter avec soi", contrairement aux stalactites d'une grotte ou à une grosse pierre angulaire avec lesquels nos ancêtres jouaient aussi certainement de la musique, estime le spécialiste.

Un objet rare et donc précieux. Découvert à 1.500 km de sa roche d'origine, le "Stradivarius" aurait nécessité deux ans de travail pour façonner "grain par grain" cette roche très dure, selon lui.

Comment en jouait-on? "Il faut deux points d'appui, peut-être à l'époque des supports en cuir ou fibres végétales, ou même posé sur les chevilles nues. Ils tapaient dessus, avec des cailloux, du bois... on ne sait pas exactement mais le son est intact."

"Quand j'entends mes collègues parler d'art préhistorique et oublier de citer la musique et les lithophones dans les grottes, ça me met hors de moi!", s'emporte ce passionné, qui aimerait pouvoir aller taper dans les grottes aux peintures rupestres pour vérifier si certaines stalactites auraient pu servir d'instruments de musique dans les "premières salles de cinéma" de l'humanité.

ban/pjl/thm/cac

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