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L'avocat de Pistorius, ou l'art d'embrouiller les choses simples

L'avocat de Pistorius, ou l'art d'embrouiller les choses simples

Au terme de la deuxième semaine du procès d'Oscar Pistorius, la stratégie de son avocat Barry Roux visant à déstabiliser les témoins n'a pas atteint son but, mais sa mise en doute systématique de faits acquis vise à créer un doute favorable à l'accusé.

Souvent hautain, faussement mielleux lorsqu'il dit aux témoins "laissez moi vous aider" ou "si je comprends bien" avant d'attaquer, Me Roux s'est déjà fait une réputation avec son "si je vous suggère que..." repris par de nombreux Sud-Africains pour avancer tout et n'importe quoi.

Le travail de sape du défenseur du champion paralympique a commencé dès l'audition du premier témoin, la voisine Michelle Burger qu'il a très longuement cuisinée, répétant plusieurs fois les mêmes questions et mettant en cause sa bonne foi.

Il a demandé et redemandé pourquoi elle était aussi certaine d'avoir entendu quatre coups de feu alors que son mari en aurait entendu cinq ou six. Or, il est établi que c'est de quatre balles qu'Oscar Pistorius a abattu son amie Reeva Steenkamp le 14 février 2013.

Il s'est ensuite demandé si ce n'était pas la batte de cricket avec laquelle Pistorius a défoncé la porte des toilettes où se trouvait Reeva Steenkamp qu'elle a entendue, et pas des coups de feu. Or, personne ne remet en cause ces coups de feu, plus sonores que les coups de batte.

Mêmes questions pour son mari Charl Johnson, que Me Roux a carrément accusé de "mentir" et de "reconstruire l'histoire", et dont il a donné le numéro de téléphone en direct à la télévision.

Oubliant les divergences sur le nombre de coups de feu, l'avocat a insinué que les conjoints se sont concertés, leurs témoignages étant proches. "Cela me rend nerveux d'entendre les témoins parler d'honnêteté", a-t-il lâché quand M. Johnson s'est défendu.

Au garde de sécurité Pieter Baba qui affirme qu'Oscar Pistorius lui a répondu "tout va bien" quand il l'a appelé juste après les coups de feu, il insiste lourdement: l'accusé n'a-t-il pas plutôt répondu "je suis OK?" Pour finalement arriver à lui faire dire "tout est OK" --c'est-à-dire autre chose--, avant que le témoin se reprenne.

A l'expert Gerhard Vermeulen qui explique qu'Oscar Pistorius, double amputé, n'avait très vraisemblablement pas ses prothèses comme il l'affirme quand il a défoncé la porte des toilettes avec la batte de cricket, il suggère des "hypothèses", s'intéresse à des détails, essaie de l'embrouiller...

"Etes-vous vraiment certain que votre réponse est correcte?", a-t-il encore demandé vendredi à l'ex-policier Giliam van Rensburg.

Barry Roux s'est un moment fait reprendre par son vieil ennemi le procureur Gerrie Nel, qui lui a reproché sa tactique. "Madame le juge, ça ne s'appelle pas poser une question, mais créer une ambiance", a-t-il critiqué.

Le ténor du barreau sud-africain n'a finalement fait revenir aucun témoin sur ses déclarations pendant les deux premières semaines du procès. Tout juste a-t-il fait accepter par certains que des scénarios alternatifs étaient plausibles.

Mais en mettant en lumière des hésitations et des contradictions sur certains sujets secondaires, sa stratégie vise à instiller le doute dans l'esprit de Thokozile Masipa, la juge unique qui observe placidement les débats depuis le 3 mars. Dans le système judiciaire sud-africain, elle ne pourra pas condamner s'il reste un "doute raisonnable" favorable à l'accusé.

Comme de nombreux Sud-Africains, la juge tente de reconstituer les faits, et de comprendre comment Oscar Pistorius, un héros national depuis qu'il s'est aligné avec les valides aux jeux Olympiques de Londres en 2012, a pu tuer son amie Reeva Steenkamp aux premières heures de la Saint-Valentin 2013.

Oscar Pistorius, 27 ans, risque la perpétuité, c'est-à-dire une peine incompressible de vingt-cinq ans de prison, si Gerrie Nel parvient à convaincre la juge convaincre qu'il l'a abattue délibérément.

La défense soutient qu'il s'agit d'une terrible méprise, et qu'il a cru qu'un cambrioleur s'était caché dans les toilettes.

L'accusé lui-même a montré une très grande sensibilité, vomissant à plusieurs reprises pendant les audiences quand on évoquait la façon dont il a tué Reeva et refusant de regarder des photos prises par les enquêteurs après le meurtre.

Des témoignage d'amis ont par ailleurs confirmé le portrait dont se délectent les médias sud-africains depuis plusieurs mois: celui d'un garçon flambeur, amateur de jolies femmes et de voitures rapides, et aussi d'armes à feu, craignant constamment pour sa sécurité.

liu/cpb/hm

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