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Le Xinjiang, entre heureuses minorités et terroristes, selon l'imagerie chinoise

Le Xinjiang, entre heureuses minorités et terroristes, selon l'imagerie chinoise

L'imagerie officielle chinoise du Xinjiang, région aux confins nord-ouest du pays, balance entre celle d'une terre où chantent et dansent d'heureuses minorités ethniques, et celle qui couve désormais de dangereux terroristes: un simplisme justifiant domination et poigne de fer sécuritaire, selon les experts.

Cette immense région quasi-désertique s'est retrouvée sous les projecteurs pour ses explosions de violence, qualifiées par les autorités de " terrorisme ", menées par des " forces séparatistes ", nom de code pour désigner les radicaux parmi les Ouïghours, l'ethnie musulmane majoritaire de la province.

Pékin accuse ces " séparatistes " de l'attaque sanglante contre la gare de Kunming (sud) début mars, qui a fait 29 morts et 143 blessés.

Mais dans le même temps, les médias d'État et la propagande peignent le tableau idyllique d'une région où des Ouïghours en costumes traditionnels aux couleurs chatoyantes entretiendraient leurs coutumes séculaires, sur fond de paysages à couper le souffle.

"Les gens des minorités chantent et dansent très bien. Grâce à eux, la vie dans cette région est joyeuse et harmonieuse ", avance ainsi le livre pour enfants " Xinjiang Cartoons ", en anglais, dont les illustrations présentent l'histoire, la culture et les paysages de la province.

L'éditeur, China Intercontinental Press, est un organe du département de l'information du gouvernement.

" Le Xinjiang est un océan de chants et de danses ", renchérit une brochure diffusée par le gouvernement local.

Les deux publications étaient mises à disposition des journalistes lors de l'Assemblée nationale populaire, qui se termine jeudi.

Ces descriptions s'inscrivent dans la présentation naïve de la région, qui contribuent à lui donner une image de vulnérabilité et d'innocence, estiment des experts.

"C'est typique de l'orientalisme des Hans à l'égard des Ouïghours et d'autre minorités ethniques ", analyse Haiyun Ma, spécialiste du Xinjiang à l'université américaine Frostburg.

"Ils seraient socialement, culturellement, et politiquement en retard, c'est pour cela qu'ils ont besoin du prétendu +grand frère+ Han, pour les aider", a-t-il souligné à l'AFP.

La Chine a une histoire ancienne avec le Xinjiang, entre influence et domination, mais la province entretient également de forts liens culturels, linguistiques et religieux avec l'Asie centrale.

Ces dernières années, le gouvernement a encouragé l'installation de dizaines de millions de Hans, l'ethnie ultra-majoritaire chinoise, au vif ressentiment des Ouïghours.

Parallèlement, les recherches chinoises sur le Xinjiang, financées par l'Etat, se sont tournées essentiellement vers le contre-terrorisme, remarque Ma, selon qui "une campagne idéologique est menée contre le Xinjiang".

La présentation des peuples et des nations dans un but de domination a été théorisée par Edward Said, dans son ouvrage de référence " Orientalisme ", publié en 1978, notamment sur l'attitude de l'Europe et des États-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient.

L'image construite d'une douce originalité contraste pourtant avec les explosions de violence qui mettent aux prises régulièrement au Xinjiang depuis 2009 Chinois hans et Ouïghours, ces derniers se disant victimes d'une politique répressive.

Le massacre de la gare de Kunming, à plus de 1.600 kilomètres du Xinjiang, fait redouter une extension de la violence au-delà de ses frontières.

Déjà en octobre dernier, un attentat-suicide place Tiananmen avait été attribué à des activistes ouïghours liés à des mouvement terroristes étrangers.

Le Xinjiang a des frontières communes avec huit pays, dont cinq sont musulmans : l'Afghanistan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Pakistan et le Tadjikistan.

Mais nombres d'observateurs étrangers estiment que le problème vient surtout de la frustration des Ouïghours face à l'État chinois et à ses intrusions dans la pratique religieuse --démenties par Pékin qui assure "protéger les droits de tous les groupes ethniques, y compris leur liberté religieuse".

Les autorités évitent cependant d'accuser en bloc les Ouïghours, mettant plutôt en cause des individus manipulés par des étrangers cherchant à déstabiliser la Chine.

Dans le discours officiel, le terrorisme fait partie des "trois forces du mal" avec le séparatisme ethnique et l'extrémisme religieux.

"Les médias d'État chinois décrivent les Ouïghours du Xinjiang comme vulnérables à -- et donc potentiellement victimes de -- l'influence de l'Islamisme étranger violent", analyse Nicholas Dynon, qui étudie les médias chinois et la propagande à l'Université Macquarie de Sydney.

D'un côté, Pékin diffuse des "images orientalistes de minorités ethniques heureuses" et de l'autre "des images négatives d'éléments séparatistes contaminés par l'extrémisme étranger."

Un discours, poursuit le chercheur, construit pour "préserver l'unité nationale."

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