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Embrasses, galons, marabouts... Le dernier passementier de Paris transmet son savoir

Embrasses, galons, marabouts... Le dernier passementier de Paris transmet son savoir

Dans les palaces, les demeures de riches qatariens, ou peut-être chez votre belle-mère pour orner les fauteuils ou tenir les rideaux: l'art délicat de la passementerie garde des adeptes et le dernier artisan de Paris cherche aujourd'hui à transmettre son savoir.

Retord, embrasses, galons, marabouts, torsades, crête-main, moulin...: dans l'atelier d'Yves Dorget qui gère la passementerie Verrier, le visiteur est projeté dans un monde au vocabulaire étrange.

Clic-clac, clic-clac: sous une verrière, seize métiers à tisser plus que centenaires font entendre leur mécanique régulière. Yves Dorget, à la tête d'une petite entreprise de 12 personnes et récemment nommé maître d'art, transmet ses connaissances à son élève Valérie Blezot.

Dans l'atelier, le dernier à Paris après la disparition des autres dans les années 80, les salariés travaillent debout avec des bouchons d'oreille pour se protéger du bruit. Ils surveillent les machines et réparent les fils qui cassent à l'occasion.

Le maître, au look décontracté avec jean et pull noir, n'a que 46 ans. Il représente la quatrième génération de passementiers, ayant repris l'affaire après le décès de son père en 1992.

Dans son bureau pendent des modèles d'embrasses, des pièces tissées pour retenir les rideaux qui peuvent avoir nécessité jusqu'à quatre jours de travail. En fibranne, soie ou laine, elles peuvent atteindre 2.000 euros l'unité.

Valérie Blezot reconnaît que la passementerie sur mesure est "une niche" pour "les gens qui ont de l'argent" et assure qu'ils ne sont plus que trois ou quatre en France à faire ce travail d'orfèvre.

Aujourd'hui âgée de 34 ans, la jeune femme énergique explique être arrivée là "par hasard" en répondant à une annonce.

Yves l'a notamment formée au retord, une méthode particulière d'assemblage de fils, ce qui lui a valu d'être distingué comme maître d'art par le ministère de la Culture.

La jeune femme, qui porte une petite besace à la ceinture avec ciseaux et crayons, souligne fièrement qu'elle peut "faire quasiment tous les postes de l'atelier". Elle assure notamment être "la seule femme de France" qui peut utiliser le métier à frange-torse qui demande beaucoup de force dans les bras.

"Si je donne une baffe, ça va loin!", lance-t-elle en souriant pour appuyer ses dires.

Valérie seconde Yves depuis environ trois ans. "Il faut être sympa, mais il faut serrer la vis", dit la jeune femme qui reprend en passant les salariés.

Dans une deuxième salle, plus calme, on travaille à la main. Julie se concentre sur la reproduction à l'identique d'une embrasse florale en soie pour une société qui restaure un manoir aux Etats-Unis, qui nécessitera plusieurs mois de travail et coûtera "20.000 euros, facile", dit Valérie.

Sur le métier à tisser à la main, le geste est répétitif et ultra précis, chaque séquence faisant l'objet d'une mesure.

Assise sur le siège en bois du métier, les épaules retenues vers l'avant par des sangles pour moins solliciter les muscles du dos, Géraldine, 30 ans, employée depuis deux ans au salaire minimum, admet qu'elle en rêve parfois la nuit.

Non loin de là, Thérèse, la doyenne de l'atelier, travaille sur une pièce dans laquelle il faut enfiler à intervalles réguliers des fils et les couper pour former des sortes de pompons. "C'est vraiment un travail de fourmi. Elle a commencé hier et elle n'a même pas fait un mètre", commente Valérie.

Yves se dit convaincu que le métier va continuer à vivre, même si on est loin de l'époque où "il y avait un paquet" de passementeries à Paris. Il gagne "correctement" sa vie, mais souligne que l'activité est "assez aléatoire".

Qui reprendra le flambeau ? "Pour l'instant, pas grand monde", reconnaît Valérie. "On a du mal à recruter, c'est dur comme métier".

"C'est un univers un peu particulier", admet Yves. Et il faut de la passion, "sinon, ça se voit tout de suite sur la qualité".

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