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Procès Pistorius: face à la défense, l'apparente passivité de la juge

Procès Pistorius: face à la défense, l'apparente passivité de la juge

C'est une femme de 66 ans. On l'entend peu. Elle laisse avocat et procureur du procès Pistorius échanger les coups et malmener les témoins. Accusée de passivité, la juge Thokozile Masipa, n'a pourtant rien à se reprocher, selon des juristes.

Des millions de téléspectateurs ont pu assister, dans les premiers jours du procès, aux interrogatoires brutaux, voire humiliants, de l'avocat de la défense Barry Roux, qui tentait de discréditer des témoins clés de l'accusation.

Deux femmes ont fondu en larmes. Et l'apparente indifférence de la juge, âgée de 66 ans, a choqué certaines âmes, peu familières des prétoires. On a beaucoup critiqué son silence total lorsque Me Roux a donné à haute voix, en pleine audience, le numéro de téléphone de portable de l'un des témoins.

La presse lui a également reproché de laisser l'avocat de Pistorius pousser les témoins à répondre sur des points qui ne relevaient pas de leur témoignage. Me Roux a notamment suggéré des scénarios aux témoins, différents de ce qu'ils avaient entendu, en leur demandant d'acquiescer.

La présidente "a été clairement indulgente" avec Barry Roux, estime Thea Illsley, professeur de droit procédural à l'Université de Pretoria, qui admet toutefois la logique de la magistrate. "Elle donne à Roux de la place pour peindre un large tableau des événements, pour poser un contexte (...) c'est compréhensible."

Pour Mary Nel, maître de conférences en droit à l'Université de Stellenbosch, la juge Masipa respecte l'esprit du contre-interrogatoire. "C'est un exercice brutal, qui peut être réellement agressif", explique-t-elle. "Jusqu'ici, je n'ai noté aucune inconvenance de la part de la juge."

Selon Mme Nel, il est essentiel que la présidente du tribunal se montre impartiale, et ne semble pas prendre parti en protégeant soit les témoins de l'accusation, soit ceux de la défense.

"Ce à quoi nous avons assisté jusqu'à maintenant était le contre-interrogatoire des témoins de l'accusation par la défense. Mais la même chose va se passer lorsque le Parquet va interroger les témoins de la défense", prédit-elle.

Pendant six jours, la juge s'est gardée d'intervenir sur le fond durant ces interminables séances de questions. Ses interventions ont eu pour but de contraindre l'avocat ou le procureur à clarifier leurs questions ou leurs pensées, parfois exprimées de façon confuse.

Ses actes d'autorité ont concerné les médias, lorsqu'elle a ordonné à une télévision de retirer de l'antenne la photo d'un témoin, le deuxième jour. Et lorsqu'elle a demandé lundi à ce que la déposition du médecin légiste chargé de l'autopsie de la victime ne soit pas retransmise en direct.

Moins célèbre que Barry Roux et que le procureur Gerrie Nel, qui sont des stars des prétoires sud-africains, Thokozile Masipa est une ancienne journaliste, spécialisée dans les enquêtes sur les crimes de l'apartheid. Elle fut ensuite travailleuse sociale avant d'entreprendre des études de droit, à 40 ans passés.

Nommée juge en 1998, elle avait été à l'époque, quatre ans seulement après la fin de l'apartheid, la deuxième femme noire à accéder à un tel poste.

En quinze ans de présidence d'un tribunal, elle s'est fait connaître pour ses jugements sans pitié pour les auteurs de violences contre les femmes, meurtres ou viols.

Mais jamais dans sa vie elle ne s'est trouvée, comme maintenant, sous le feu des projecteurs d'un procès retransmis en direct à la télévision et suivi par des centaines de journalistes venus des cinq continents.

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