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Dix ans après les attentats de 2004, l'Espagne redoute "les loups solitaires"

Dix ans après les attentats de 2004, l'Espagne redoute "les loups solitaires"

Loin des mosquées, à l'abri dans des appartements ou sur internet, de plus en plus de jeunes musulmans se radicalisent en Espagne, faisant craindre aux autorités des actes de "loups solitaires", dix ans après les attentats islamistes qui ont fait 191 morts le 11 mars 2004.

"L'évaluation de la menace se concentre depuis des années sur un risque probable d'attentat", explique à l'AFP le secrétaire d'Etat à la sécurité, Francisco Martínez.

Cette menace est "semblable à celle que connaissent d'autres pays voisins", souligne-t-il. Mais depuis dix ans, "le nombre de jihadistes a augmenté" en Espagne, tout comme "le nombre de foyers de radicalisation, en particulier dans certaines zones".

Les deux tiers des 84 islamistes condamnés ou décédés dans des actes terroristes en Espagne entre 1996 et 2012 vivaient à Madrid ou en Catalogne, selon un rapport du centre d'études stratégiques Elcano.

Tous étaient des hommes plutôt jeunes, entre 25 et 39 ans, à 80% immigrés de première génération, algériens, marocains ou pakistanais arrivés en Espagne depuis les années 1990. 4,8% d'entre eux sont nés en Espagne, principalement dans les enclaves de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc.

Les mosquées, beaucoup plus surveillées depuis les attentats du 11 mars, ne sont plus les lieux privilégiés d'endoctrinement, explique Fernando Reinares, un expert du centre Elcano.

Ces radicaux "ont tendance à se concentrer dans les petits lieux de cultes marginaux et dans des domiciles privés", attirés par des "personnages charismatiques qui ont combattu en Afghanistan, en Bosnie ou en Tchétchénie".

La Catalogne, dans le nord-est de l'Espagne, a émergé comme l'un des principaux foyers, où le nombre de condamnés pour faits de terrorisme est passé de six entre 1995 et 2003 (20% du total), à 22 entre 2004 et 2012 (40%).

Sa capitale, Barcelone, a échappé à un attentat qui aurait pu être "un deuxième 11 mars" dans le métro, en janvier 2008, rappelle Fernando Reinares. Dix Pakistanais et un Indien, liés à des groupes talibans du Pakistan, avaient été condamnés.

C'est en Catalogne que le Français Mohamed Merah, tué en mars 2012 par la police après avoir assassiné sept personnes au nom du jihad dans le sud-ouest de la France, aurait participé en 2007, à Tarragone, à des "journées islamiques de formation", selon le journal espagnol ABC.

Qualifiés de "loups solitaires", ce sont précisément ces jeunes radicaux recrutés par les réseaux islamistes via internet, qui focalisent aujourd'hui l'attention des services de sécurité espagnols.

"Les personnes arrêtées jusqu'en 2009 étaient davantage structurées en cellules. Ces dernières années, est apparu le profil des ces individus isolés", explique Francisco Martinez. Quatre d'entre eux ont été arrêtés en 2013.

"Nous accordons beaucoup d'importance à cette menace, ce qui ne veut pas dire que nous laissons de côté les cellules jihadistes", dit-il. D'autant que certains de ces jeunes "vont mener le jihad sur des théâtres de conflit", comme en Syrie.

D'avril 2012 à novembre 2013, 20 jihadistes de 15 à 49 ans sont partis d'Espagne en Syrie: neuf Marocains, résidant à Malaga, dans le sud, à Girone, en Catalogne, ou à Ceuta, et 11 Espagnols, presque tous natifs de Ceuta, selon l'institut Elcano.

Ceux "qui manquaient d'expérience" suivaient des "sessions de préparation physique" à Ceuta et dans ses environs, au Maroc.

Une fois en Syrie, ils rejoignaient des camps d'entraînement, avant d'intégrer des cellules pour mener des attaques ou des attentats suicide.

Selon des conversations interceptées par la police, ces hommes envisagent aussi, à leur retour, "de mener le jihad" en Espagne, affirme le rapport d'Elcano.

Globalement, si les arrestations se sont multipliées après les attentats du 11 mars 2004, elles ont ensuite largement chuté, passant de 131 en 2004 et 108 en 2005, à six en 2012 et 19 en 2013.

"Après le 11 mars, l'Espagne était en état de choc et les juges étaient disposés à autoriser des actions au moindre indice", explique Javier Jordan, expert en études stratégiques de l'Université de Grenade. Mais "de nombreuses personnes placées en détention furent libérées faute de preuves".

Sur plus de 500 islamistes présumés arrêtés entre 1995 et 2014, 78 seulement ont été condamnés. "La justice et la police font plus attention aujourd'hui", souligne cet expert.

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