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Pakistan : un premier bus réservé aux femmes pour éviter les mains baladeuses

Pakistan : un premier bus réservé aux femmes pour éviter les mains baladeuses

Un minibus rose bonbon comme tout droit sorti d'une fable de Disney sillonne depuis quelques semaines la capitale pakistanaise. Ce premier bus réservé aux femmes au "pays des purs" se veut une arme contre les mains baladeuses, mais renforce la ségrégation des genres selon ses détracteurs.

7H15, la foule se presse à un coin de rue empoussiéré de Rawalpindi pour embarquer dans la dizaine de minibus qui tentent d'appâter les clients à grand renfort de cris et de coups de klaxons. Dans ce brouhaha, un bus tout neuf et tout rose tatoué du slogan "transport pour dames" capte toute l'attention.

Assise sur une des quatre banquettes du minibus, Azra Kamal, technicienne dans une boutique d'électronique, se réjouit de ce nouveau projet de bus au féminin baptisé "Tabeer", ou "accomplissement (d'un rêve)" en ourdou, la langue nationale de ce pays musulman de plus de 180 millions d'habitants.

Le visage à moitié caché par son voile noir, elle relate les commentaires obscènes et autres gestes déplacés subis par le passé dans les transports mixtes.

"Je fais de longs trajets pour aller travailler. Quand j'arrive il ne reste souvent que moi à bord. Parfois le chauffeur en profite pour me donner son téléphone et me demander d'y inscrire mon numéro", s'indigne-t-elle lors du parcours d'une vingtaine de kilomètres jusqu'à la capitale Islamabad.

À bord, d'autres passagères décrivent des attouchements de la part des chauffeurs, des contrôleurs ou des usagers masculins. À ce "harcèlement" s'ajoute la difficulté de trouver une place dans des minibus mixtes où peu de sièges, voire un seul sur une douzaine, sont réservés aux femmes.

"Avant je travaillais dans un hôpital. Souvent, pour m'y rendre, je ne trouvais pas de place, et je me faisais réprimander parce que j'arrivais en retard", se souvient Sana, 21 ans.

Aujourd'hui, la jeune femme arbore fièrement son uniforme : une longue tunique rose assortie au bus à bord duquel elle est chargée de percevoir les 30 roupies (20 centimes d'euros) que coûte le trajet Rawalpindi-Islamabad.

Mais ce nouveau transport réservé aux femmes ne fait pas l'unanimité dans ce pays marqué par une islamisation rampante. Dans un blogue publié sur le site d'un des principaux quotidiens anglophones du pays, la journaliste Erum Shaikh qualifie le projet "d'imposture totale".

"Le simple fait que les autorités aient pu croire pertinent d'instaurer un truc pareil devrait en réalité offenser les femmes. Pourtant nous restons assises là, à sourire, à faire les belles en laissant des hommes grands, forts et musclés ériger des murs autour de nous pour +nous protéger+", écrit-elle.

À bord du minibus rose, Misbah, employée dans une banque à Islamabad, est en partie d'accord avec cet argument. "J'apprécie vraiment ce service, mais nous devons prendre le problème à sa source et sensibiliser les gens au harcèlement. Il faut qu'ils prennent conscience que ça ne se fait pas", confie-t-elle.

Aux critiques, le directeur de ce projet public-privé, Ali Naqi Hamdani, répond qu'il faut tenir compte du conservatisme de la société pakistanaise, où bien des femmes ne quittent pas la maison sans un homme de leur entourage pour les accompagner.

"Les femmes sont prêtes à sortir de chez elles mais elles ne se sentent pas en sécurité dans les transports en commun. Il fallait leur offrir un environnement où elles se sentent à l'aise de se rendre à l'université ou au bureau afin de les encourager à sortir", explique-t-il.

Sortir pour participer à la vie publique et s'accomplir, c'est bien la promesse ambitieuse du projet "Tabeer" qui compte pour l'instant 12 véhicules dans la capitale et en promet d'autres ailleurs au pays si la demande est au rendez-vous.

Dans son uniforme rose, Sana, elle, se rêve déjà aux commandes, car pour l'instant, vu le manque de conductrices, même le bus féminin est encore piloté par des hommes.

str/gl/abk

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