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Élections 2014: risque d'un faible taux de participation

Élections : risque d'un faible taux de participation
Daniel Grill via Getty Images

En 2008, Jean Charest a plongé le Québec en élections moins de deux ans après le dernier scrutin. Résultat : le Québec a connu le plus faible taux de participation de son histoire. Alors que les électeurs sont appelés à retourner aux urnes moins de 18 mois après avoir élu le dernier gouvernement, est-ce que cette situation risque de se reproduire?

Le Huffington Post Québec a demandé à François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la Démocratie et les institutions parlementaires au département de science politique de l’Université Laval, de répondre à différentes questions concernant le taux de participation.

On observe, depuis quelques années, une baisse du taux de participation aux élections provinciales. En 2008, le taux a glissé sous la barre de 60%. Est-ce que cette tendance risque de s’améliorer ou d'empirer ?

Entre 1945 et 1979, le taux moyen de participation aux élections québécoises était d'environ 79%. Ce taux a légèrement fléchi entre 1980 et 2008, pour atteindre une moyenne de 74%. Dans ce contexte, le passage sous la barre des 60% en 2008 avait de quoi inquiéter. Le retour à un taux de plus de 70% en 2012 met en exergue le caractère unique de l'élection de 2008. L’élection de décembre 2008 était exceptionnelle à plusieurs égards. Elle survenait d’abord moins de deux ans après la précédente. En plus, elle suivait de peu l’élection historique aux États-Unis d’un premier président afro-américain. Enfin, elle avait été précédée par une élection fédérale dont l’issue s’était soldée par la tentative infructueuse de la formation d’une coalition gouvernementale regroupant le Parti libéral du Canada, le Bloc québécois et le Nouveau parti démocratique. L’esprit des Québécois, et surtout celui des plus jeunes électeurs, n’était peut-être pas au rendez-vous à l’élection du 8 décembre 2008.

Comment s’explique ce phénomène de la baisse du taux de participation?

On attribue généralement ce déclin de la participation électorale à un phénomène de remplacement générationnel. En effet, plusieurs études réalisées dans différentes démocraties occidentales (dont une que j'ai pilotée en collaboration avec le DGEQ) suggèrent que la baisse de la participation est principalement due au fait que les électeurs des nouvelles générations votent moins que leurs prédécesseurs. Par exemple, les jeunes de 20 ans qui sont nés dans les années 1980 votent moins que les baby-boomers lorsqu'ils avaient 20 ans. Au fur et à mesure que ces nouveaux électeurs remplacent les plus vieux, le taux de participation de la population diminue.

Est-ce qu’on observe une distinction dans le taux de participation quand des élections ont lieu en période froide?

Le climat a certainement un impact sur la participation électorale, bien qu'il est généralement assez modeste. À ce jour, aucune étude systématique de cette question n'a été réalisée au Québec. Si l'on observe le taux de participation aux différentes élections provinciales depuis 1948, deux élections se sont tenues au cours du mois d'avril, soit celles du 13 avril 1981 (82,49%) et du 29 avril 1970 (84,23%). Il n'y a pas de raisons de croire que le mois d'avril est un "mauvais" mois pour tenir une élection générale.

Dans un contexte où le gouvernement demande d’aller en élections avant la fin de son mandat : est-ce plus difficile de convaincre et d’intéresser les gens à aller voter. Si oui, doit-on s’attendre à un faible taux de participation?

Il est évident que l'électorat peut réagir négativement à la multiplication des élections. On parle alors de fatigue électorale. Celle-ci peut nuire à la participation électorale, mais de façon assez limitée. L'un des facteurs contribuant le plus à la décision individuelle de voter (ou de s'abstenir) est l'intérêt des citoyens pour la politique. Ainsi, les élections qui soulèvent la passion des électeurs afficheront un meilleur taux de participation. Donc, le niveau de participation est bien plus tributaire des enjeux qui seront débattus au cours de la campagne que de la fréquence des élections.

Les jeunes sont souvent pointés du doigt pour leur manque de participation aux différents scrutins. Or, cette fois, ils sont invités à aller voter sur les campus. Doit-on s’attendre à une hausse de participation?

Toute mesure visant à faciliter l'exercice du vote est indubitablement bonne. Le vote sur les campus est donc une très bonne chose. Par ailleurs, il faut savoir que les étudiants sont déjà plus enclins à voter que leurs pairs ne fréquentant pas les collèges et universités. Cette mesure aura donc un impact plutôt faible sur le taux de participation. Davantage d'efforts devraient être mobilisés pour accroître la participation électorale des jeunes moins scolarisés et des jeunes qui œuvrent sur le marché du travail.

En 2012, il a été mentionné que la mobilisation étudiante pouvait avoir eu des impacts sur l’intérêt des jeunes, entre autres, à se déplacer pour aller voter. Est-ce que cet intérêt peut se reproduire dans le contexte actuel?

Il est plutôt difficile de prédire avec certitude quels enjeux seront débattus lors de la campagne . Il semble assez clair par ailleurs que les enjeux qui touchent les étudiants (frais de scolarité, endettement étudiant, accessibilité aux études supérieures, financement des universités, etc.) ne font pas partie des enjeux qui se pointent à l'horizon en ce début de campagne, à savoir, la "charte", l'éthique, l'économie, la santé et la question constitutionnelle.

Concernant le taux de participation, est-ce qu’il y a un plancher qu’il serait dangereux d’atteindre pour la santé démocratique de la société?

Il n'y a pas de bonne réponse à cette question. Il est plutôt difficile d'identifier un seuil précis. Les élections permettent de choisir les individus qui prendront les décisions en matière de politiques publiques, et ce, en fonction de l'intérêt du public en général. Plus le taux de participation est élevé, plus les élections confèrent aux élus la légitimité qui leur permet de prendre ces décisions au nom de tous. Ce qui est inquiétant, ce n'est pas tellement l'atteinte d'un plancher, mais bien la tendance à la baisse que l'on observe sur le long terme. Pourquoi les citoyens se désengagent-ils de la sorte au fil du temps ?

Doit-on mettre en place différents outils ou réglementations pour encourager les gens à aller voter?

Il est évident qu'une mesure comme le vote obligatoire permettrait d'augmenter la participation électorale. La littérature identifie une hausse moyenne allant jusqu'à 15 points de pourcentage. Cependant, une telle mesure n'est pas sans controverse. Il y a d'abord l'enjeu des libertés individuelles. Peut-on (doit-on) forcer les individus à voter ? Le vote obligatoire soulève également de questions au niveau de la "qualité" du vote. Le fait de voter requiert que l'électeur ait un certain niveau d'information sur les partis politiques, les candidats et leurs plates-formes. Il est tout à fait normal que certains citoyens ne s'intéressent pas à la chose politique. Sans cette information, comment ces citoyens pourront-ils orienter leur décision?

D'autres mesures ont été adoptées dans différents contextes, par exemple, la réforme du mode de scrutin, le vote à 16 ans ou encore le vote électronique. Par ailleurs, l'impact réel de ces mesures sur le taux de participation ne fait pas consensus.

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