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Les intérêts économiques allemands incitent Merkel à l'apaisement avec Moscou

Les intérêts économiques allemands incitent Merkel à l'apaisement avec Moscou

Accusée parfois de manquer d'engagement sur la scène internationale, la chancelière allemande Angela Merkel s'est impliquée depuis le début de la crise ukrainienne mais doit composer avec les puissants intérêts économiques allemands qui freinent toute idée de sanctions contre Moscou.

La première économie européenne importe environ un tiers de son pétrole et de son gaz de la Russie, dont elle est le premier partenaire commercial européen.

"Comme l'Allemagne est le plus important partenaire de la Russie, c'est aussi celui qui a le plus à perdre", souligne Stefan Meister, expert à l'antenne berlinoise du Conseil européen des relations extérieures, un groupe de réflexion.

"L'Allemagne joue un rôle central dans les négociations avec la Russie", constate-t-il, rappelant le déplacement du ministre allemand Frank-Walter Steinmeier, avec ses homologues français et polonais, qui a fait cesser les violences à Kiev, après des mois de conflit, et précipité la chute du régime pro-russe du président Viktor Ianoukovitch.

Mme Merkel, qui parle russe et a grandi en ex-Allemagne de l'Est communiste, n'a pas ménagé ses efforts, multipliant les coups de téléphone au président Vladimir Poutine, qui parle lui-même couramment allemand et avec qui elle entretient une relation complexe.

Alors que la Russie confirme chaque jour un peu plus son emprise sur la péninsule de Crimée, un territoire à majorité russophone stratégique pour Moscou, l'Allemagne et les Européens peinent à trouver une réplique pour préserver l'intégrité de l'Ukraine sans risquer une dangereuse escalade.

"L'Allemagne est le principal frein à une ligne plus dure vis à vis de la Russie", estime M. Meister. Berlin plaide imperturbablement pour le dialogue et garde ses distances avec la ligne dure des Etats-Unis, qui ont suspendu lundi leur coopération militaire avec la Russie et brandi la menace de sanctions diplomatiques mais aussi économiques.

Berlin s'est également montré hésitant face à une éventuelle exclusion de la Russie du G8.

Troisième partenaire commercial mondial de la Russie, et premier en Europe, l'Allemagne compte 6.000 entreprises sur le sol russe, et 300.000 emplois allemands dépendent des relations économiques entre les deux pays.

La Russie est un marché clé pour des poids lourds comme Siemens, qui y vend notamment ses trains, le numéro un de l'énergie EON, le groupe de distribution Metro ou l'équipementier sportif Adidas, mais aussi d'une façon générale pour les secteurs de la chimie, l'automobile et les machines-outils...

Le lobby industriel allemand a d'ailleurs mis en garde cette semaine contre une escalade du conflit avec la Russie. "Si les dirigeants européens adoptent des sanctions, nous craignons que les Russes ne réagissent. Nous serions au début d'une escalade dont les conséquences sont peu prévisibles", s'est inquiété le Comité économique allemand pour l'Europe de l'est, qui regroupe près de 200 entreprises.

Un enchaînement de sanctions réciproques "menacerait d'endommager gravement l'économie européenne", au moment où elle peine justement à redémarrer, a déclaré son président Eckhard Cordes.

Pour Stefan Meister, "nous voyons actuellement les limites de l'influence allemande sur la Russie". "La position de recherche du compromis est vue comme un signe de faiblesse du côté russe", assure-t-il.

Jörg Forbrig, chercheur au sein du groupe de réflexion "German Marshall Fund of the United States" appelle, quant à lui, à ne pas surestimer l'importance économique de la Russie pour l'Allemagne, soulignant que le marché allemand est plus important pour les Russes que le marché russe pour les Allemands.

Un effondrement de l'économie allemande en cas de sanctions contre Moscou "n'a rien d'une certitude", avance-t-il. "L'Allemagne n'est tout simplement pas prête à ce que les Russes proposent, c'est à dire la confrontation. L'abandon de la tradition allemande de l'+Ostpolitik+ (dialogue avec l'est) initiée dans les années 70, est quelque chose qui semble très difficile à accepter pour la classe politique en Allemagne", estime M. Forbrig.

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