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La mosquée Musa de Mombasa, temple de l'islam radical au Kenya

La mosquée Musa de Mombasa, temple de l'islam radical au Kenya

Depuis des années, la mosquée Musa à Mombasa, deuxième ville du Kenya, est devenue le coeur de l'islam radical dans ce pays majoritairement chrétien et la cible d'une féroce répression des autorités, au risque de rendre la situation encore plus tendue.

En août 2012, l'imam radical Aboud Rogo Mohammed, principal prédicateur de la mosquée était assassiné, avant que son successeur Cheikh Ibrahim Ismail ne tombe à son tour sous les balles en octobre 2013, déclenchant à chaque fois de violentes émeutes.

Pour leurs partisans, les deux hommes ont été assassinés par les autorités, une opinion largement partagée jusque chez des analystes sérieux, même si le gouvernement nie.

Début février, la mosquée a de nouveau été le théâtre d'affrontements meurtriers, quand la police y a pénétré pour mettre fin - dit-elle - à une "convention djihadiste" destinée à recruter des combattants pour les rangs des islamistes somaliens shebab.

Et autour du grand bâtiment vert et blanc en plein centre de la ville, la situation continue d'être tendue, alors qu'une centaine de fidèles ont été violemment arrêtés et que l'un d'entre eux a depuis disparu alors qu'il était aux mains de la police.

"L'invasion de la mosquée a été menée illégalement, rien d'illégal ne s'y déroulait, il n'y avait pas de recrutement", s'insurge Cheikh Abubaker Shariff, alias "Makaburi", l'une des figures de la mosquée et un proche de feu Rogo, accusé par l'ONU et Washington d'être l'un des principaux recruteurs des shebab au Kenya.

"Il ne s'agissait pas d'une convention djihadiste, mais d'une convention discutant de sujets liée à la guerre sainte", tels que le martyr ou les apostats, assure-t-il, "tous les sujets abordés sont dans le Coran et il n'est pas illégal d'en parler dans une mosquée ou ailleurs au Kenya", rappelant que la mosquée était à l'occasion ouverte à tous.

Pour Makaburi, qui nie tout lien avec les shebab mais se présente comme "favorable à l'implantation de la charia partout dans le monde" et ne cache pas son admiration pour Oussama ben Laden, les autorités "non-islamiques" kényanes se servent de prétextes pour s'attaquer à la mosquée Musa, "la seule qui prêche l'islam véritable".

"La mosquée Musa est la seule dont les imams abordent la question du djihad", affirme-t-il, mais "ces imams n'ont violé aucune loi, c'est pourquoi ils sont victimes de meurtres extrajudiciaires".

Pour le président du Conseil consultatif national des musulmans du Kenya (Kemnac), Cheikh Ngao Juma, ces imams sont des "criminels" qui doivent être arrêtés mais la répression aveugle contre les fidèles de la mosquée n'est pas la solution.

La convention "était organisée dans le but exprès d'enseigner le jihad et le radicalisme", affirme Cheikh Ngao Juma, par ailleurs proche des autorités kényanes. Avec de "fausses promesses" de gloire, d'un lopin en Somalie, voire de belle épouse somalienne, les prédicateurs radicaux "essaient de laver le cerveau des jeunes en utilisant le Coran".

"C'est du business, du trafic humain et de l'esclavage", accuse-t-il, les recruteurs recevant de l'argent pour chaque jeune envoyé en Somalie. Mais "utiliser les armes ne résoudra pas le problème, on ne combat pas une idéologie avec un fusil (...) mais seulement à travers la discussion (...) les jeunes ont besoin de conseils".

Même si la radicalisation d'une partie de la jeunesse musulmane est une "menace", selon Hassan Omar Hassan, sénateur d'opposition de Mombasa et ancien militant des droits de l'Homme, les autorités kényanes en préférant user de violence - parfois extralégale - plutôt que s'attaquer aux racines du problème, n'ont fait qu'aggraver la situation.

"En traitant la mosquée Musa par le mépris, le gouvernement en a fait un temple de la radicalisation", estime-t-il, dénonçant "l'escalade" de la répression ayant abouti aux meurtres notamment de Rogo.

"La stratégie adoptée par le gouvernement est plus susceptible d'aggraver la situation que de l'améliorer", poursuit-il, il "s'est littéralement mis toute la communauté musulmane du pays à dos et perdu beaucoup de sa légitimité".

Selon le sénateur, le gouvernement doit "gratter sous la surface" et se pencher sur les causes profondes du ressentiment des musulmans kényans et plus généralement des habitants de la côte.

Durant des décennies, ils ont été sous-représentés au sein de l'élite politique, sous-éduqués, victimes de discriminations sur le marché de l'emploi, se retrouvant massivement au chômage, mais aussi considérés comme des citoyens de seconde zone pour qui il était difficile d'obtenir des documents d'identité.

"Toute action extralégale des autorités va continuer à nourrir le discours sur l'oppression et l'humiliation des communautés de la côte et surtout musulmanes", explique le sénateur, tout en rappelant que le problème est bien plus large.

Au Kenya, "depuis trop longtemps nous avons légitimé la violence policière (...) pour des raisons de sécurité nationale. Mais la Constitution doit toujours s'appliquer, quelles que soient les circonstances et les accusations contre quelque individu ou partie".

ayv/aud/cac

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