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Génocide rwandais: des témoins souvent imprévisibles au procès à Paris

Génocide rwandais: des témoins souvent imprévisibles au procès à Paris

"Ça viole un axiome de base du pénal: ne jamais poser une question dont on ne connaît pas la réponse", soupire un avocat. Les acteurs du premier procès lié au génocide rwandais à se tenir en France se heurtent à des problèmes de temps, de langue et de culture avec les témoins rwandais.

Dans ce procès, seules des ONG sont parties civiles. La parole des témoins est capitale, et parfois déroutante.

Premier problème, les hésitations de la mémoire concernant des faits qui remontent à vingt ans. Si le principe en est admis par tous, défense comme accusation se saisissent volontiers des contradictions. D'autant plus facilement que nombre des témoins ont été interrogés à de multiples reprises dans différentes procédures, parfois eux-mêmes comme accusés, au Rwanda ou devant la justice internationale et que les procès-verbaux figurent au dossier.

"Je ne peux pas dire que ce que j'ai omis de dire n'était pas vrai", admet ainsi un ancien milicien à propos d'une précédente déposition. "Mais ce que j'ai dit était la vérité", lance-t-il aussitôt à propos du témoignage qu'il vient de livrer à la cour d'assises de Paris.

"Honorable, aidez-moi et ne me tendez pas de piège", dit un autre quand le président Olivier Leurent pointe une contradiction. "Expliquez-lui que nous ne sommes pas là pour lui tendre des pièges mais pour essayer de comprendre pourquoi à un moment il a dit oui et à un autre moment il a dit non".

Quant à Valérie Bemeriki, ancienne figure de la Radio mille collines qui purge une peine de prison à vie à Kigali, elle revendique de se souvenir au fur et à mesure de certains détails et de "les noter sur (ses) cahiers", suscitant l'indignation ironique de la défense.

Autre obstacle, la langue. Certains témoins déposent via un traducteur, qui peut se heurter à des problèmes. Chargé d'une question sur la quantité d'armes que l'accusé, l'ex-capitaine de la garde présidentielle Pascal Simbikangwa, aurait distribuées dans son quartier de Kigali et à qui, un interprète avoue son désarroi: "en kinyarwanda, le mot fusil est invariable".

Comme le fait l'accusé, des témoins répondent assez régulièrement à une autre question que celle qui a été posée, obligeant à revenir à la charge. Mais sans forcément plus de succès. "Vous savez, c'est mieux quand vous répondez aux questions quand même", finit par lâcher à Pascal Simbikangwa le président, pourtant très soucieux de le laisser s'exprimer.

Alors, on cherche à soigneusement fermer les questions, mais sans toujours obtenir le oui ou non espéré. "Est-ce que de la maison où vous vous trouviez on peut voir la maison de Pascal Simbikangwa?", demande le président à un témoin. "C'est dans un tournant".

Les parties au procès doivent s'adapter. Une des techniques de base aux assises, faire répéter un point jugé important pour bien le marteler auprès du jury, s'attire en général une réponse du type: "J'ai déjà répondu à cette question", "je ne vais pas me répéter" ou "c'est ce que j'ai dit".

Une attitude très directe qui se retrouve au fil des témoins, parfois non exempte d'une certaine rudesse. Interrogé sur l'endroit où auraient été stockées des armes dans la maison de l'accusé, un homme qui s'était réfugié chez le capitaine Simbikangwa lance ainsi: "Je vous prie de vous référer au croquis des enquêteurs. Pour moi c'était à gauche mais je ne suis ni maçon ni architecte pour vous répondre".

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