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Syrie: Yarmouk, le camp de la mort lente

Syrie: Yarmouk, le camp de la mort lente

A Yarmouk, on cherche de quoi manger dans les poubelles et les hommes âgés attendent dans les rues, résignés, de rendre l'âme. C'est la mort lente dans ce grand camp palestinien du sud de Damas assiégé depuis des mois par l'armée du régime.

Dans ce camp de l'horreur, dont une agence de l'ONU a diffusé cette semaine des photos choc montrant des milliers d'habitants, le visage émacié, attendant une distribution d'aide, "on vit dans une grande prison", raconte à l'AFP un militant dans le camp qui se fait appeler Rami al-Sayed.

"Mais au moins dans une prison, il y a de la nourriture. Ici il n'y a rien. Nous mourons à petit feu", ajoute-t-il, contacté via internet.

"Parfois, il y une ribambelle d'enfants qui m'entourent et me supplient: 'pour l'amour de Dieu, on veut manger, donne-nous à manger'. Mais moi, bien sûr, je n'ai rien à leur offrir".

Après des mois de bombardements et de combats acharnés entre l'armée et les rebelles, ce quartier qui abritait 150.000 personnes avant la révolte contre le régime de Bachar al-Assad en mars 2011, ne compte plus que 40.000 habitants, dont 18.000 Palestiniens.

Depuis l'été 2013, les troupes de Bachar al-Assad imposent un siège asphyxiant, réduisant les civils à vivre dans une sorte de ghetto, dans l'indigence la plus totale.

"Nous mangeons des herbes, nous en faisons parfois des soupes, mais elles sont amères. Même les animaux n'en voudraient pas", lâche Rami. "Et si vous allez dans des champs pour cueillir des herbes, un tireur embusqué vous tire dessus".

"C'est vraiment tragique. Dans les rues, vous voyez des gens très amaigris, leur visage sans vie. La tristesse se lit partout", explique encore le jeune homme.

Même l'Agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), qui depuis janvier distribue de la nourriture de manière intermittente aux habitants assiégés, semblait submergée par autant de déchéance humaine.

"Des rangées de visages émaciés, (...) les traits malingres et ravagés par la famine des enfants attendant un colis de vivres, le visage d'une mère ravagée par la douleur après la perte de son enfant, les larmes de joie d'un père qui se réunit avec une fille qu'il a perdue il y a longtemps, il s'agit d'exemples d'inhumanité qui sont devenus (...) le quotidien de l'UNRWA", indique l'agence dans un communiqué.

L'agence a indiqué avoir distribué depuis janvier près de 7.500 colis de vivres aux habitants assiégés à Yarmouk, "une goutte d'eau dans un océan", un colis ne suffisant à une famille de cinq membres que pour 10 jours.

"Hier (mercredi), seuls 10% ont pu recevoir de l'aide", soutient Rami.

Ali Zoya, un résident Palestinien, affirme également que cette "aide ne suffira que pour quelques jours".

Une bonne partie du camp n'est plus que ruines après les combats entre l'armée et les rebelles qui finalement se sont retirés récemment aux termes d'un accord avec les factions palestiniennes.

Plus d'une centaine de personnes sont mortes de pénuries depuis octobre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

En visite au camp, le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens, Filippo Grandi, avait évoqué mardi les conditions de vie "choquantes" dont il a été témoin, qualifiant la vision des habitants d'"apparition de fantômes".

Le désespoir des civils rappelle celui des habitants des quartiers assiégés de Homs, troisième ville de Syrie, où la même tactique du siège a été utilisée par le régime pour faire plier la rébellion.

A la pénurie alimentaire s'ajoute aussi le manque de soins.

"Dans les hôpitaux, il y a des blessés qui ne peuvent pas être soignés car il n'y a plus ni médicaments ni docteurs", explique Rami.

"J'ai vu un jeune homme blessé par un éclat d'obus dans sa jambe. Il n'ira mieux que s'il peut quitter le camp", toujours assiégé malgré la sortie des rebelles, indique Ali.

Pour Rami, les habitants sont "totalement épuisés".

"Ils disent 'soit laissez-nous sortir, soit tuez-nous'".

ser-ram/sk/sw

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