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Dans un quartier musulman à Bangui: "Nous sommes déjà tous morts M. Hollande"

Dans un quartier musulman à Bangui: "Nous sommes déjà tous morts M. Hollande"

Retranchés dans leur quartier, attaqués par les miliciens anti-balaka, les musulmans de la zone PK-5, à Bangui, sont à bout de nerfs: "Pas la peine de venir, nous sommes déjà tous morts M. Hollande", dit une femme en tchador, à la veille de la visite du président français.

Jeudi, les soldats Français se montrent dans les rues de Bangui. Patrouilles à pied dans le centre ville. Hélicoptère dans les airs. Blindés qui sillonnent la ville. A l'entrée du PK-5, au centre-ville, une trentaine de soldats français supervise même une opération de fouilles de voitures menée par les gendarmes centrafricains.

Le quartier est sous le choc. Depuis deux jours, l'une des dernières enclaves musulmanes de Bangui essuie des attaques répétées de la part de miliciens majoritairement chrétiens anti-balaka. Des attaques à la machette.

Mardi et mercredi la plupart des onze cadavres ramassés à Bangui l'ont été dans ce quartier où musulmans et chrétiens avaient l'habitude de vivre ensemble. "Beaucoup étaient découpés en morceaux", témoigne un agent de la Croix-rouge centrafricaine, chargée de la macabre besogne de ramasser les cadavres.

Devant une pancarte où des gens ont écrit "NON à la France" à la peinture blanche, un groupe de musulmans discute.

"PK-5 c'est le dernier quartier qui nous reste mais depuis trois jours la situation est pourrie. Les musulmans sont découpés en morceaux, nos maisons détruites et pillées. On ne comprend pas à quoi servent les Français depuis qu'ils sont là", accuse un homme sous couvert d'anonymat.

"La France pourrait sécuriser Bangui en 48 heures si elle le souhaitait mais elle laisse faire les attaques et les pillages. On a perdu confiance en la France", affirme Miradje Asfarany, un économiste de 45 ans.

Pendant qu'il parle, une femme s'approche, en colère. On lui apprend que François Hollande devrait faire une halte à Bangui vendredi. "Qu'est ce qu'il va faire ? Nous sommes déjà tous morts M. Hollande. Les anti-balaka sont là à 200 mètres, ils tuent nos enfants, ils détruisent nos maisons. Ils sont où les soldats de Sangaris ?", demande-t-elle avant de partir.

Le cheikh Daoud Muslim Mbockani est plus virulent. Il dit que sa famille a été emportée par les anti-balaka malgré ses appels à l'aide à l'adresse des soldats français. "Je vis les actions de Sangaris dans mon sang, dans ma chair. Dieu ne laissera pas la France impunie", clame-t-il.

La petite foule rassemblée autour de lui opine du chef: "c'est vrai".

Les soldats français ne sont pas très loin. Quelques blindés légers autour d'un rond-point déserté où des soldats africains de la Misca ont installé leurs armes automatiques derrière des sacs de sable.

Un peu plus loin, des familles ont trouvé refuge dans les jardins de la mosquée centrale où elles espèrent être protégézs par les soldats burundais.

Plus au nord, au PK-12, où une poignée de musulmans vivent reclus, entourés de miliciens qui les harcèlent, le quartier mixte vit au rythme des incursions de combattants musulmans et d'anti-balaka.

Mercredi, des Séléka (ex-rébellion à majorité musulmane) sont sortis du camp RDOT tout proche où ils sont censés être cantonnés pour lancer une grenade qui a explosé sur des civils, sans faire de victimes. Pour se venger, des chrétiens en ont attrapé un et l'ont découpé en morceaux, exhibant à la foule un de ses pieds en sang.

Jeudi matin, nouvelle incursion de Séléka. Mais cette fois les Français ont pu intervenir à temps pour sauver un chrétien à qui les ex-rebelles venaient d'asséner un coup de machette dans le dos.

"Pour nous c'est difficile, tout va très vite", dit un soldat français posté pas loin : "Nous avons des règles d'engagement. Ils le savent. On ne va pas tirer sur tout ce qui bouge".

sj/mc/jpc

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