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Le souvenir des morts de la Grande Guerre: cimetières, monuments et soldats inconnus

Le souvenir des morts de la Grande Guerre: cimetières, monuments et soldats inconnus

Cimetières militaires par centaines, monuments jusque dans les plus petites localités, célébrations du "Soldat inconnu": le souvenir des dix millions de soldats tués pendant la Grande Guerre reste très présent dans la plupart des ex-pays belligérants, notamment en France et en Belgique où ont eu lieu les combats meurtriers du front occidental.

Ce conflit, souligne l'historien américain Jay Winter, professeur à l'université de Yale, "marque la naissance d'un +memory boom+, une vague commémorative universelle qui a participé au processus de deuil des sociétés". Un deuil rendu d'autant plus difficile que près de la moitié des corps ont disparu, la même proportion que pour l'attentat du 11 Septembre à New York, relève Jay Winter.

Sur les champs de batailles de l'ouest, les Britanniques créèrent une multitude de petits cimetières proches des lieux des combats, 1.350 au total. Entretenus et gérés par la Commonwealth War Graves Commission depuis 1917, ils rassemblent quelque 690.000 soldats du Royaume-Uni et de l'Empire colonial britannique. Les tombes, dispersées sur des pelouses fleuries, sont surmontées d'une stèle en pierre sur laquelle est inscrit l'emblème national ou le blason de l'armée ou du régiment auquel appartenait le défunt. Contrairement aux cimetières militaires français, les stèles britanniques ne sont pas surmontées de la croix chrétienne ou du croissant musulman.

Les dépouilles françaises sont plutôt regroupées dans de vastes nécropoles : quelque 250 cimetières dans lesquels sont enterrés plus de 700.000 combattants, ou des ossuaires, comme à Douaumont près de Verdun où reposent les restes de 130.000 soldats non identifiés.

Près d'un million de morts allemands sont également enterrés en France dans quelque 240 cimetières, entretenus depuis 1919 par la Commission allemande des sépultures de guerre.

Dès le début des années 1920, des milliers de monuments aux morts, portant les noms des victimes, vont être érigés en Angleterre: on en recense aujourd'hui 33.000. De façon similaire, des monuments commémoratifs, souvent très variés, seront construits par la quasi-totalité des 36.000 communes françaises, qui ont toutes perdu des hommes dans la guerre. Des monuments seront également érigés dans les colonies, qui ont fourni des centaines de milliers de combattants.

Il faut encore y ajouter, en France surtout, des dizaines de milliers de plaques commémoratives dans les édifices religieux --élises, temples ou synagogues--, les universités, les entreprises publiques ou privées, relève Annette Becker, historienne de la Première guerre mondiale. Au siège de l'Agence France-Presse à Paris, une plaque de marbre porte ainsi les noms de journalistes et employés de l'Agence Havas, devenue depuis AFP, morts durant la Grande Guerre.

Tous ces monuments --peut-être plus de 100.000 au total-- constituent "une multiplication extraordinaire de la mémoire de la guerre", dit Annette Becker qui ne voit pas d'équivalent par rapport au nombre d'habitants dans les autres pays belligérants si ce n'est en Australie, où la mémoire du conflit demeure très vive.

A l'opposé se trouve l'Allemagne, dont le territoire actuel n'abrite aucun des champs de bataille de la Grande Guerre, et dont la plupart des morts sont enterrés ailleurs. "Il existe quelques monuments aux morts - notamment dans les églises - consacrés aux soldats allemands tombés en 14-18, mais beaucoup moins nombreux que, par exemple, en France", note Thomas Serrier de l'Université européenne de Viadrina, à Francfort-sur-l'Oder.

Pour porter la mémoire des centaines de milliers de victimes dont les corps ont disparu ou ne pourront jamais être identifiés, la plupart des pays vont également créer le symbole du Soldat inconnu. Les Anglais placent, dès le 11 novembre 1920, le corps d'un combattant non identifié à l'entrée de l'abbaye de Westminster. Le 28 janvier 1921, un Soldat inconnu français est inhumé sous l'Arc de Triomphe. Chaque jour à 18H30, des anciens combattants ravivent une " flamme du souvenir " allumée le 11 novembre 1923 sur sa tombe.

D'autres pays suivront comme les Etats-Unis (11 novembre 1921 au cimetière militaire d'Arlington en Virginie) ou la Belgique (11 novembre 1922 au pied de la colonne du Congrès à Bruxelles). L'Italie, l'Autriche ont également leur soldat inconnu. Plus récemment, l'Australie a inhumé solennellement le 11 novembre 1993 à Canberra la dépouille non identifiée d'un combattant tombé dans la Somme. Le Canada a attendu le 28 mai 2000 pour enterrer à Ottawa un soldat inconnu exhumé dans le nord de la France, aux environs de la crête de Vimy, haut lieu d'une bataille meurtrière menée par les soldats canadiens. Le 11 novembre 2004, les Néo-zélandais ont inhumé à Wellington un soldat inconnu tombé dans la Somme.

L'Allemagne et la Russie, où la mémoire de la Grande guerre a été éclipsée par les horreurs du nazisme et de la seconde guerre mondiale, font figure d'exception en n'ayant jamais distingué de la sorte leurs combattants disparus dans l'anonymat des champs de bataille.

pmg/lma/phv

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