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En Ukraine, les anciens combattants de la guerre d'Afghanistan sur les barricades

En Ukraine, les anciens combattants de la guerre d'Afghanistan sur les barricades

En première ligne sur les barricades parmi les manifestants en Ukraine, les anciens combattants de la guerre soviétique d'Afghanistan assurent vouloir éviter tout bain de sang, mais préviennent qu'ils resteront jusqu'à la victoire, "même s'ils envoient les tanks".

Il y a 25 ans jour pour jour, en 1989, le dernier soldat soviétique franchissait le "pont de l'amitié" entre l'Afghanistan et la république soviétique d'Ouzbékistan, marquant la fin d'une guerre qui a duré dix ans et fait près de 15.000 morts et disparus dans les rangs de l'Armée soviétique.

En Ukraine, beaucoup d'"Afghans" comme sont surnommés les vétérans d'Afghanistan sont mobilisés 25 ans plus tard au côté des manifestants qui occupent depuis près de trois mois la place de l'Indépendance, le Maïdan, dans le centre de Kiev, pour dénoncer le pouvoir du président Viktor Ianoukovitch.

Jour et nuit, ils sont ainsi une demi-douzaine près de la barricade de la rue Grouchevski, théâtre de violentes scènes de guérilla urbaine en janvier, à moins de 50 mètres d'un barrage de policiers anti-émeute.

"Les vétérans d'Afghanistan n'ont pas participé aux affrontements, notre but est au contraire de les éviter: nous sommes là pour empêcher les bagarres entre les manifestants les plus radicaux et les policiers anti-émeute", explique l'ancien sergent-chef Anton Primouchko, 45 ans, à la carrure massive.

"Si la police donne l'assaut, nous ferons tout ce que nous pouvons pour empêcher un bain de sang, des deux côtés", poursuit-il sous le regard de jeunes cagoulés et armés de gourdins, alors que le sol autour de la barricade est encore noirci, vestige des jets de cocktail molotov et des pneus enflammés destinés à repousser les forces de police.

Les anciens combattants d'Afghanistan sont très respectés au sein de la population ukrainienne. L'un des chefs de l'opposition, l'ancien champion du monde de boxe poids-lourd Vitali Klitschko, leur a d'ailleurs rendu hommage jeudi, après avoir assisté à la projection d'un documentaire qui leur est consacré.

"Les +Afghans+ forment une véritable fraternité, qui est unie par la lutte pour la justice. Ils ont toujours été des membres actifs de la société civile, comme on peut le voir aujourd'hui à travers la présence de nombreux vétérans sur le Maïdan. Ils défendent leurs droits et l'avenir du pays", a souligné Vitali Klitschko, dont le père était officier dans l'Armée rouge.

Plus de mille "Afghans" participent au mouvement de contestation sur la place de l'Indépendance, et des milliers d'autres sont mobilisables dans un délai d'une demi-heure, affirme le responsable d'une association de vétérans, Igor Ivjenko, qui reste très marqué par son expérience afghane et qui continue à s'intéresser à ce pays, toujours en proie à la guerre civile et étrangère, qui doit voir l'essentiel des soldats occidentaux, principalement américains, quitter son territoire d'ici la fin de l'année 2014.

"Nous avons été responsables de beaucoup de destructions en Afghanistan, plus d'un million de personnes sont mortes. Je m'excuse pour cela", dit-il, recevant des journalistes dans l'une des nombreuses tentes installées sur la place, entre une carte de l'Afghanistan et une table sur laquelle est posé un pakol, le béret typique du pays rendu célèbre par le commandant Massoud.

"Les vétérans sont divisés, comme l'ensemble de la population ukrainienne. Mais une majorité d'entre eux soutient le mouvement du Maïdan", assure-t-il.

"Nous ferons un barrage de nos corps, jusqu'à la victoire", approuve Igor Savitsky, dont la cagoule relevée laisse apparaître des yeux bleus tranchant sur un visage noirci, le manche d'un poignard dépassant de son gilet de protection.

Les "Afghans" sont aussi courtisés par le président Viktor Ianoukovitch.

"Vous avez vu de vos propres yeux les conséquences dévastatrices des conflits civils pour les pays et les populations. C'est pourquoi j'espère que la grande majorité des anciens soldats est déterminée à préserver la stabilité et la paix de leur propre nation", a déclaré vendredi Viktor Ianoukovitch, à l'issue d'une rencontre avec des anciens combattants.

Une déclaration qui n'entame pas la détermination de l'ancien sergent-chef Anton Primouchko.

"Nous serons les premiers à évacuer les lieux quand nous aurons gagné, car nous ne sommes pas là pour obtenir des postes ou de l'argent. Si nous perdons, nous ne serons plus là pour le voir... mais en attendant, nous allons rester là, même s'ils viennent nous déloger avec des tanks", promet-il.

thm-dg/neo

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