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Turquie: premières remises en liberté dans l'enquête anticorruption

Turquie: premières remises en liberté dans l'enquête anticorruption

La justice turque a remis en liberté vendredi l'un des principaux suspects incarcérés dans le scandale politico-financier visant le gouvernement, qui a relancé l'examen d'un projet de loi très controversé destiné à renforcer son contrôle sur les magistrats.

Deux semaines à peine après la nomination d'un nouveau procureur pour chapeauter les enquêtes anticorruption, l'ex-PDG de la banque publique Halkbank, Suleyman Aslan, et cinq autres de ses coïnculpés ont pu quitter leur prison dans la matinée, selon les médias turcs.

Remplacé à la tête de la banque, M. Aslan reste inculpé de corruption, fraude et blanchiment d'argent pour avoir facilité un trafic illicite d'or avec l'Iran.

En perquisitionnant à son domicile, les policiers avaient découvert l'équivalent de 4,5 millions de dollars en petites coupures dissimulées dans des boîtes à chaussures, devenues depuis le symbole brandi par l'opposition et les manifestants qui dénoncent la corruption du régime du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

M. Aslan avait été placé en détention mi-décembre avec 23 autres suspects, considérés proches du pouvoir. Parmi eux figuraient l'homme d'affaires azerbaïdjanais Reza Zarrab, à l'initiative des ventes d'or à l'Iran, et les fils des trois anciens ministres de l'Economie, de l'Intérieur et de l'Environnement, soupçonnés d'avoir touché des pots-de-vin. Ces quatre personnalités sont toujours en détention provisoire.

Les premières remises en liberté depuis le début de l'affaire ont été dénoncées comme un nouveau signe de reprise en main de la justice par le gouvernement.

"Le banquier aux 4,5 millions retrouvés à son domicile est libre. Et les lois qui permettront la libération des autres sont en marche", a déploré l'ex-ministre de la Culture Ertugrul Gunay, qui a quitté le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir.

Au total, des dizaines de patrons, hommes d'affaires, hauts fonctionnaires et élus proches du pouvoir ont été inculpés dans le cadre de ce scandale, qui a provoqué une onde choc qui menace M. Erdogan avant les municipales du 30 mars et de la présidentielle d'août.

L'agence semi-officielle Anatolie a révélé vendredi que le fils aîné du Premier ministre avait été entendu le 5 février, sans autre détail.

Selon une partie de la presse turque, Bilal Erdogan, qui dirige une fondation d'aide aux étudiants, est soupçonné d'avoir touché des pots-de-vin. Son avocat, Ahmet Özel, a qualifié ces accusations de "pures allégations et interprétations".

Ce scandale qui touche au coeur du pouvoir a fait éclater la majorité islamo-conservatrice qui règne sans partage sur la Turquie depuis 2002, provoquant un vaste remaniement ministériel fin décembre et la démission de neuf députés du parti au pouvoir.

Depuis des semaines, M. Erdogan accuse ses ex-alliés de la confrérie du prédicateur musulman Fethullah Gülen, très influents dans la police et la magistrature turques, d'avoir constitué un "Etat dans l'Etat" et de manipuler l'enquête pour le faire tomber. L'organisation "guleniste" nie ces accusations.

En réaction, le Premier ministre s'est lancé dans une épuration sans précédent de la police et la justice, qui a notamment permis d'écarter les magistrats à l'origine des enquêtes.

Le nouveau procureur en charge a ainsi fait savoir qu'il allait reprendre l'enquête à son début, déplorant, selon la presse turque, le "manque de preuves" dans le dossier.

Tous les jours, une partie de la presse et l'opposition multiplient les accusations contre M. Erdogan et ses interventions pour étouffer l'affaire.

Après le vote la semaine dernière d'une loi sur le contrôle d'internet largement dénoncée comme "liberticide", le Parlement a repris vendredi l'examen d'une réforme judiciaire elle aussi très controversée, qui doit attribuer au ministre de la Justice le dernier mot en matière de nominations de magistrats.

Ce texte a suscité nombre de critiques, tant en Turquie qu'à Bruxelles ou Washington, qui s'inquiètent ouvertement du virage autoritaire d'Ankara.

"Ils veulent intimider le peuple, les juges et les procureurs", a dénoncé le chef du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, "nous considérons les discussions sur un tel texte comme une honte pour notre démocratie".

Le CHP a annoncé qu'il saisirait la Cour constitutionnelle si la loi était votée.

pa-dg/bir

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