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La Grande guerre au Proche-Orient: du génocide arménien aux racines du conflit israélo-arabe

La Grande guerre au Proche-Orient: du génocide arménien aux racines du conflit israélo-arabe

Loin des tranchées de Verdun, la Première guerre mondiale est directement à l'origine de deux crises majeures qui empoisonnent toujours, un siècle après, les relations internationales: le génocide arménien, et le conflit israélo-arabe.

Lorsque le sultan Mehmet V proclame la "guerre sainte" contre la France, la Grande-Bretagne et la Russie le 24 novembre 1914, le crépuscule est largement tombé sur l'empire ottoman, déjà amputé de la plupart de ses possessions européennes.

Persuadé de la victoire rapide de son allié allemand, le mouvement "jeune turc" au pouvoir voit dans la guerre l'occasion de se libérer de l'emprise de Paris et Londres et de reconquérir l'Asie centrale.

Si les troupes ottomanes réussissent à infliger une sévère défaite au corps expéditionnaire franco-britannique dans les Dardanelles en 1915, le conflit tourne au cauchemar face aux Russes sur le front de l'est. Des dizaines de milliers de soldats y meurent et, surtout, les comités révolutionnaires arméniens, alliés des Russes, s'agitent.

C'est le prétexte que va saisir la "Sublime porte" pour se débarrasser de cette minorité. "Il y a deux possibilités. Soit ils vont nettoyer les Turcs, soit ils vont être nettoyés par les Turcs", écrira le gouverneur de Diyarbakir Mehmed Resid dans ses mémoires. "Je me dis: +plutôt qu'ils nous éliminent, nous devons les éliminer+".

Le 24 avril 1915, l'arrestation puis le massacre de plus de 2.000 responsables de la communauté arménienne à Constantinople (Istanbul) donne le signal du premier génocide du 20e siècle, trente ans avant celui de l'Allemagne nazie contre les Juifs. En moins d'un an, des centaines de milliers de personnes sont déplacées de force, un grand nombre sont tuées, la plupart de leurs biens confisqués.

Un siècle plus tard, ces événements font toujours l'objet d'une vive polémique, tant politique qu'historique, qui vient régulièrement perturber les relations entre la Turquie et les Occidentaux.

Les Arméniens, rejoints depuis par nombre d'historiens et de Parlements étrangers au grand dam d'Ankara, évaluent à plus d'un million et demi le nombre des victimes et dénoncent un "génocide".

La Turquie républicaine, qui a succédé à l'empire ottoman, refuse catégoriquement ce terme et, si elle reconnaît des "massacres" de grande ampleur, les justifie encore comme un geste d'autodéfense face à la menace russe.

"Des massacres d'Arméniens ont aussi eu lieu bien avant la Première guerre mondiale", plaide aujourd'hui l'universitaire arménien Rouben Safrastian, "la guerre n'était qu'un bon prétexte pour réaliser ce plan criminel".

"Pour nous, cette question est aussi douloureuse qu'il y a cent ans", renchérit le vice-président de l'Assemblée arménienne, Edouard Charmazanov, "la Turquie doit mettre fin à sa politique de négation et présenter ses excuses au peuple arménien".

Les autorités turques en sont encore loin. Même si quelques pas ont été accomplis. Lors d'une visite fin 2013 à Erevan, le chef de la diplomatie turque Ahmet Davutoglu a évoqué les événements de 1915-1916 comme une "erreur" et un "acte inhumain".

La Première guerre mondiale a également bouleversé toute la carte du Moyen-Orient, semant les germes du futur conflit israélo-arabe.

En 1916, les forces ottomanes dirigées par des généraux allemands prennent le dessus sur les troupes britanniques en Mésopotamie et en Palestine. C'est alors qu'entre en scène le fameux Lawrence d'Arabie. Pendant deux ans, cet archéologue britannique devenu officier de liaison va piloter la révolte nationaliste des tribus arabes contre les sultans.

Les combats tournent rapidement à l'avantage de la rébellion et de ses parrains. En 1917, les Anglais prennent Bagdad et Jérusalem. En 1918, c'est au tour de Damas et de Mossoul (Irak). De leur côté, les Français occupent Beyrouth et Damas.

Car à l'insu des Arabes auxquels ils ont fait miroiter l'indépendance pour obtenir leur soulèvement, les Britaniques se sont secrètement entendus avec les Français dès mai 1916 pour se répartir le Proche-Orient, en vertu des accords Sykes-Picot: le Liban et la Syrie à la France, la Jordanie, la Palestine et l'Irak à la Grande-Bretagne.

Ce partage en règle va nourrir la frustration des Arabes qui croyaient s'être battus pour leur indépendance.

La fameuse "Déclaration Balfour" (1917) va encore renforcer cette frustration et ajouter à la confusion. En soutenant "l'établissement après la guerre d'un foyer national juif en Palestine", le ministre britannique des Affaires étrangères pose les bases de la création trente ans plus tard de l'Etat d'Israël, et sème les germes d'un conflit qui continue aujourd'hui à déchirer la région.

L'armistice signé à Moudros le 30 octobre 1918 avec les Alliés annonce l'effondrement et le dépeçage de l'empire ottoman après cinq siècles d'existence.

Mais il ne met pas fin aux convulsions de cette région: il faudra encore quatre ans d'une sanglante guerre de reconquête des territoires perdus en Anatolie, notamment contre les Grecs, pour que le colonel Mustafa Kemal, le futur Atatürk, puisse poser les fondations de la Turquie moderne dans ses frontières actuelles.

bur-pa/lma/pt

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