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Beate Klarsfeld, chasseuse de nazis, 75 ans, et un engagement intact

Beate Klarsfeld, chasseuse de nazis, 75 ans, et un engagement intact

Il est possible de s'engager dans une cause sans beaucoup d'aide, affirme Beate Klarsfeld, 75 ans jeudi, qui entama une carrière de "chasseuse de nazis" par une gifle spectaculaire à un chancelier allemand ancien membre du parti national-socialiste.

Mariée à l'avocat français Serge Klarsfeld, l'Allemande à la chevelure rousse et à l'élégance naturelle, qui vit à Paris, revient dans un entretien avec l'AFP sur ses luttes et son parcours. Bilingue, son débit est rapide et laisse poindre un léger accent allemand lorsqu'elle parle en français.

"On peut s'engager sans avoir beaucoup de monde derrière soi. Il faut avoir un certain courage civique, il ne faut pas compter sur l'aide des autres, il faut s'engager", juge-t-elle.

Dans son cas, c'est la rencontre avec son mari qui a servi de déclencheur. "Quand je suis arrivée à Paris, j'ai rencontré mon mari dont le père était déporté". "Je ne savais rien du tout de la Deuxième Guerre mondiale, j'ai appris avec Serge".

"En tant qu'Allemande, tu dois faire quelque chose. Soit tu dis +je regrette, les Allemands ont déporté des juifs+, soit tu dis: +Eh bien, je vais fais quelque chose+. Et je l'ai fait". "Même quand on ne se sent pas coupable, on peut ressentir une responsabilité historique ou morale". Et de préciser qu'il ne s'agit pas d'un "sentiment de vengeance", mais uniquement "de justice".

Le 7 novembre 1968, Beate Klarsfeld est passée à l'action. Elle fait une entrée plus que remarquée dans la politique allemande en giflant le chancelier Kurt Georg Kiesinger, ancien membre du parti national-socialiste, lors d'un meeting politique à Berlin.

Quand elle en parle, ses yeux brillent. Cette action spectaculaire "me restera jusqu'à ma mort", dit-elle. "D'avoir réussi a changé presque toute ma vie".

"J'ai été tout de suite marquée comme l'Allemande qui s'oppose au nazisme. Cette gifle-là c'est quelque chose qui est dans les livres d'histoire, quand vous ouvrez un dictionnaire", la première chose liée à Beate Klarsfeld est "ah, c'est elle qui a giflé en 68 le chancelier nazi Kurt Georg Kiesinger".

Aujourd'hui, l'Allemande reconnaît que la méthode n'était "pas très catholique". "Gifler, ce n'était pas la violence, c'était une action symbolique" et "mobilisante", explique-t-elle.

Avec son mari, Beate Klarsfeld a retrouvé nombre de criminels de guerre nazis et dévoilé le noir passé de plusieurs dirigeants internationaux. Il faut "empêcher que les anciens criminels nazis restent dans des postes importants, empêcher que les anciens criminels nazis puissent vivre librement", continue-t-elle d'affirmer aujourd'hui.

"Dans les moments de crise, les extrêmes deviennent très forts", constate-t-elle aussi. "Il y a une crise en France" et il semble d'autant plus nécessaire de ne pas baisser la garde, juge-t-elle, en appelant à faire barrage contre les thèses véhiculées par certaines personnalités comme le polémiste controversé Dieudonné condamné à plusieurs reprises pour propos antisémites.

Dans des manifestations, auxquelles participe l'extrême droite, "on entend des cris à nouveau contre les juifs" avec des slogans comme "La France n'est pas ton pays". "Ca nous choque énormément !", confie-t-elle.

En 2012, la gauche radicale allemande avait proposé Beate Klarsfeld pour la présidence de l'Allemagne, une initiative vue par certains experts comme un "hommage à son combat passé". Cette proposition n'avait pas eu de suite. En 2013, elle a été décorée en France du grade de commandeur de la Légion d'honneur, sans avoir jamais pu obtenir la distinction équivalente en Allemagne, la Croix fédérale du mérite. En raison de la gifle de 1968, croit savoir Beate Klarsfeld.

fs/prh/kat/ros

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