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Thaïlande: après les élections, nouveau chapitre d'incertitude politique

Thaïlande: après les élections, nouveau chapitre d'incertitude politique

Les élections "incomplètes" de dimanche en Thaïlande ouvrent un nouveau chapitre d'incertitude politique, avec son lot de scénarios catastrophe, du coup d'Etat militaire au démantèlement judiciaire du parti au pouvoir.

Mais le simple fait que ces législatives anticipées aient pu se tenir est une petite victoire pour cette démocratie fragile, selon les experts.

Le scrutin a en effet eu lieu sans encombre dans une grande partie du pays en dépit des craintes, après trois mois d'une crise politique qui a déjà fait au moins dix morts.

Mais quelque 10% des bureaux de vote, principalement à Bangkok et dans le sud, bastion de l'opposition qui boycottait le scrutin, n'ont pu ouvrir.

Bulletins et urnes avaient été bloqués en amont par les manifestants, qui réclament sans relâche la démission de la Première ministre Yingluck Shinawatra.

Face à ces perturbations exceptionnelles, les résultats pourraient prendre des semaines, voire des mois, avant d'être publiés.

Même s'ils l'étaient rapidement, le Parlement ne pourrait de toute façon pas se réunir faute d'un quorum de 95% des 500 députés, le vote n'ayant pu se tenir dans de nombreuses circonscriptions.

Dans l'intervalle, le gouvernement ne peut qu'expédier les affaires courantes.

Et sans nouveau mandat clair en raison de ces élections "incomplètes", la situation sera "intenable" pour Yingluck, prédit Thitinan Pongsudhirak, de l'université Chulalongkorn de Bangkok: "elle sera plus vulnérable" à une intervention extérieure, notamment judiciaire.

La Thaïlande est engluée dans des crises politiques à répétition divisant profondément le royaume entre partisans et ennemis de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, renversé par un putsch en 2006.

Si les partis pro-Thaksin ont gagné toutes les législatives depuis 2001, ils ont été tour à tour chassés du pouvoir par des coups d'Etat, militaire en 2006 et judiciaire en 2008.

Et pour les analystes, obtenir une répétition de cette histoire est l'objectif principal des manifestants.

Ces derniers, alliance hétéroclite des élites de Bangkok, d'ultra-royalistes et d'habitants du sud, veulent en effet se débarrasser à tout prix de ce qu'ils appellent le "système Thaksin", qu'ils associent à une corruption généralisée.

La première étape serait, selon le chercheur David Streckfuss, une annulation des élections par la justice, comme en 2006, en prélude au putsch, avant une destitution de la Première ministre.

Yingluck fait en effet l'objet d'une enquête de la puissante commission anti-corruption pour un programme controversé d'aide aux riziculteurs.

Et des dizaines d'élus du parti Puea Thai au pouvoir, dont beaucoup étaient candidats aux législatives, sont sous la menace de cinq ans d'interdiction de vie politique en raison d'une tentative ratée d'amender la Constitution.

Se débarrasser du gouvernement en l'absence du Parlement, en charge de sa nomination, "créerait un vide politique que seul le Sénat", plus proche des élites et donc des manifestants, pourrait remplir, estime Streckfuss.

Le scénario d'une intervention de la justice pour chasser Yingluck, s'il est possible, est "l'option pessimiste", estime de son côté Pavin Chachavalpongpun, de l'Université de Kyoto.

Selon son scénario optimiste, la Première ministre pourrait au contraire sortir légitimée par les résultats des élections.

Mais leur publication pourrait prendre "des mois" et, en attendant, "la Thaïlande va continuer à s'enfoncer dans un coma", poursuit-il.

Ce flou politique fait peser des risques également sur l'économie, note Rajiv Biswas, chef économiste Asie-Pacifique pour IHS Global Insight, qui a rabaissé ses prévisions de croissance pour 2014 de 3,9 à 3,2%.

"Les investisseurs étrangers sont de plus en plus inquiets en raison des risques politiques qui s'accumulent en Thaïlande, en l'absence de solution politique en vue", dit-il.

Malgré les aléas, ces élections ont le mérite d'avoir eu lieu dans un pays qui a connu 18 coups d'Etat, réussis ou non, depuis 1932. Même "si ce n'est que pour affirmer un droit constitutionnel de base", insiste Streckfuss.

En cas de coup d'Etat, judiciaire ou militaire, il prédit alors une vive réplique des "chemises rouges" pro-Thaksin et plus largement d'autres partisans de la démocratie.

Lors du dernier grand mouvement, en 2010, les "rouges", qui sont jusqu'ici restés à l'écart de cette crise, avaient été délogés par l'armée du centre de Bangkok où ils réclamaient la démission du gouvernement de l'époque. Le bilan avait été de plus de 90 morts.

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