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Tardi dans les tranchées de la Grande Guerre au Festival de BD d'Angoulême

Tardi dans les tranchées de la Grande Guerre au Festival de BD d'Angoulême

La Première Guerre mondiale hante depuis l'enfance le dessinateur Jacques Tardi qui fait revivre l'horreur des tranchées dans une oeuvre saisissante de réalisme et de virtuosité. "Ce qui me choque le plus, c'est la manipulation de ces jeunes gens voués à la mort", dit à l'AFP ce maître de la BD, éternel indigné.

Une exposition événement au Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, "Tardi et la Grande Guerre", parcourt cette oeuvre clé de la BD contemporaine et amorce symboliquement les commémorations du centenaire de la Grande Guerre de 1914-1918.

Même si Tardi goûte fort peu ces célébrations. "Je reste en dehors du coup. J'attends les discours mais je crains que cela vienne alimenter ma hargne!", lance l'indomptable Tardi, 67 ans, qui a refusé en janvier 2013 d'être décoré par le gouvernement français.

Planches, dessins, illustrations, croquis, couvertures de livres: l'exposition s'adosse aux deux principales BD de Tardi consacrées à la Première Guerre mondiale, "Putain de guerre!", publiée en deux volumes en 2008 et 2009 chez Casterman et "C'était la guerre des tranchées" (1993). Une autre partie met en lumière son imposant travail d'illustrateur sur la Grande Guerre.

La question que tout le monde se pose, c'est "comment ont-ils tenu, ces poilus"? "On a inventé la conviction patriotique, le sacrifice librement consenti... Monstrueuse fumisterie!", s'exclame Tardi. "Ils ont peut-être tenu par rapport aux copains", avance cet ancien pilier de l'hebdomadaire Pilote puis du mensuel A Suivre, père d'"Adèle Blanc Sec" ou "Nestor Burma".

"On avait préparé les esprits, comme l'artillerie, bien avant 1914, que ce soit l'instituteur ou le curé. Mon indignation est surtout là: la manipulation de ces jeunes gens voués à la mort. De bons gars, partis la fleur au fusil, en pantalon rouge, déguisés en cibles... Ils ont vite compris qu'on leur avait menti".

Né le 30 août 1946, Tardi a passé son enfance dans l'Allemagne occupée, où son père, engagé en 1937 puis prisonnier de guerre, était militaire.

"On jouait dans les ruines. Et ma grand-mère me racontait la guerre de 14 de mon grand-père paternel. A 5 ou 6 ans, cela me terrifiait. Cet homme si doux qui venait me chercher à petits pas à l'école, quel décalage avec un guerrier !

Dans ses albums, Tardi donne chair à ses récits, raconte la guerre à hauteur d'homme. Cela passe par le souci du détail, de la vérité historique. "Je lis deux ou trois bouquins pour aboutir à quatre lignes de texte...". Il travaille aussi avec l'historien et collectionneur Jean-Pierre Verney. "Il m'apporte des objets, des armes... Quand je dessine un canon, il me prête le manuel d'utilisation".

"Les objets parlent. Ce peut être le point de départ d'une intrigue. Quand je vois dans +Les Sentiers de la gloire+ de Kubrick que ce ne sont pas les bons fusils, ça me contrarie. C'est comme si je mettais une kalachnikov dans les mains d'un poilu".

La réhabilitation des fusillés de la Grande Guerre lui tient aussi beaucoup à coeur. Mais, aujourd'hui, il se concentre sur le 2e tome de "Moi René Tardi, prisonnier de guerre, Stalag II B" (Casterman), basé sur les carnets de son père.

Il en est arrivé au retour du prisonnier. "Je suis allé en Poméranie, retrouver tous les lieux. Mon père donne plein de détails. A la fin de l'album, je parlerai peut-être de la désillusion, de la colère de ceux qui ont passé leur jeunesse derrière les barbelés".

Et "quand j'entends de nos jours des manifestants scander +travail, famille, patrie+, tenir des propos antisémites, cela m'inquiète. Ce sont des recettes qui marchent, c'est comme ça qu'ils ont recruté des miliciens. Pareil à l'époque en Allemagne. D'une certaine façon, Hitler n'a eu qu'à se baisser, tout était en place..."

cha/dab/pad/kat/fw

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